lundi 25 mars 2024

IN MEMORIAM


Le temps passe... Nous étions nombreux dans les années 1990 à regarder couramment des épisodes de la série Inspecteur Derrick qui étaient diffusés sur les chaînes de la télévision française publique - après une première programmation sur la défunte chaîne La Cinq, tandis que de nouveaux épisodes étaient toujours tournés en Bavière dans les studios de la ZDF. Les audiences étaient si bonnes que, bien que désireux de rajeunir son image, les dirigeants des programmes ne parvenaient pas à mettre définitivement un terme à sa diffusion, jusqu'à ce que des révélations, pourtant sommaires, sur le passé de l'acteur principal pendant la seconde guerre mondiale, postérieurement à son décès, ne la fasse bannir définitivement du réseau hertzien français comme allemand.

A présent, la série Inspecteur Derrick paraît de l'histoire ancienne, même si elle demeure dans la mémoire de beaucoup de téléspectateurs et la société Elephant Films en ressort l'intégrale en DVD. Il faut dire que cette création du scénariste Herbert Reinecker, souvent moquée de manière bien peu fine par des détracteurs se croyant malins, demeure singulière tant nombre de ses épisodes présentent une dimension existentialiste dépassant largement le cadre d'une classique enquête policière, les détectives n'étant parfois là que pour servir de prétexte au scénariste dans la perspective de présenter la condition humaine sans fard, avec ses dilemmes, illustrée par des acteurs brillants issus du théâtre le plus renommé.

Ce mardi 25 mars 2024 voit la disparition dans son sommeil à l'âge de 82 ans, après avoir fait face à plusieurs graves affections, de l'acteur qui incarnait le second de l'inspecteur principal, Fritz Wepper dans le rôle d'Harry Klein, un personnage d'ailleurs issu de la série précédente d'Herbert Reinecker, Der Kommissar, dans laquelle il laissait la place à son véritable frère cadet Elmar également acteur. Ce dernier l'a précédé de peu dans la mort puisqu'il s'est éteint le 31 octobre 2023 d'une insuffisance cardiaque à l'âge de 79 ans ; celui-ci s'était investi en faveur des enfants leucémiques et apportait depuis 2019 avec l'actrice Michaela May son soutien financier aux personnes âgées, ayant aussi participé à la campagne de contact de celles qui se trouvaient isolées durant la pandémie de COVID.

Fritz Wepper au temps d'Inspecteur Derrick.

Avec Fritz Wepper, c'est donc la dernière figure emblématique de ce programme qui disparaît et nombre des acteurs y ayant figuré ponctuellement sont également défunts, comme certains sur lesquels on se penchera par la suite. C'est donc l'occasion de rendre collectivement hommage à ceux qui ont incarné la réussite de cette série singulière, et le lecteur pourra retrouver dans les parutions précédentes un dossier détaillé sur chacun d'entre eux. Ce jour marque donc la fin ultime de cette page glorieuse de la télévision allemande, mais pas de l'intérêt qu'elle a suscité et l'on contribuera encore des années ici à l'évoquer.

Voici réunis sur cette une page mémorielle ceux qui ont participé tout au long de la série Inspecteur Derrick. Ils nous ont donc tous quittés à présent, mais leur souvenir demeurera au travers de cette œuvre impérissable.

  Helmut RINGELMANN

   4 septembre 1926 - 20 février 2011

      créateur et producteur de la série

                 Il a confié l'écriture à Herbert Reinecker auquel il a apporté durablement son appui.

https://rendez-nousderrick.blogspot.com/2021/12/lautre-duo-de-derrick-premiere-partie.html

https://rendez-nousderrick.blogspot.com/2022/02/lautre-duo-de-derrick-seconde-partie.html


      Herbert REINECKER     

24 décembre 1914 - 27 janvier 2007 

scénariste de l'intégralité des épisodes

Sa puissance de travail et son inventivité lui ont valu une association à long terme et  productive avec le producteur Helmut Ringelmann.   

https://rendez-nousderrick.blogspot.com/2021/12/lautre-duo-de-derrick-premiere-partie.html

https://rendez-nousderrick.blogspot.com/2022/02/lautre-duo-de-derrick-seconde-partie.html


Horst TAPPERT (Stefan Derrick)

26 mai 1923 - 18 décembre 2008

acteur principal

Il a incarné sans faillir le personnage principal créé par Herbert Reinecker, se pliant à la vision du scénariste lui insufflant sa vision de la justice. 

https://rendez-nousderrick.blogspot.com/2021/05/il-incarnait-linspecteur-tranquille-la.html


Fritz WEPPER (Harry KLEIN)

17 août 1941 - 25 mars 2024

secondant le rôle principal, il est resté fidèle jusqu'à la fin de la série 

https://rendez-nousderrick.blogspot.com/2021/06/harry-le-faire-valoir.html


Willy SCHAFER (Willy Berger)

6 mars 1933 - 6 mai 2011

Rôle de complément, faisant le lien avec le reste des policiers, il participa lui aussi jusqu'à l'ultime épisode.

https://rendez-nousderrick.blogspot.com/2021/07/un-bon-berger-qui-joue-les-utilites.html


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mardi 20 février 2024

VACANCES A MADERE : UN PARADIS DONT ON NE REVIENT PAS

 

Moment de séduction au parc avec une ultime conquête à une terrasse devant la Tour chinoise de l'Englischer Garten (le jardin anglais) de Munich.

        Comme le premier épisode d'Inspecteur Derrick qui fut diffuséLe chemin à travers bois - également le premier à avoir été l'objet d'une évocation détaillée en ces pages, Vacances à Madère (Madeira) présente un personnage qui, sous des dehors sympathiques, s'avère être lui aussi le terrifiant auteur d'une série d'assassinats. Le spectateur est ainsi convié à assister aux agissements d’un homme qui abuse de la crédulité des femmes avant de les faire disparaître pour s’accaparer leurs économies. L’acteur Curd Jürgens est d’atour impérial pour son unique apparition dans la série. Il promène sa longue silhouette élégante dans l’entourage de veuves fortunées, ne tardant pas à faire naître en elles l’illusion d’une dernière romance qu’il propose de concrétiser par des vacances à Madère, un lieu paradisiaque qu’il leur fait découvrir au travers de brochures touristiques sur papier glacé, mais qu’elles ne verront jamais. En effet, tel un Landru majestueux, ce célèbre assassin guillotiné du début du XXème siècle, accusé de se servir de petites annonces matrimoniales pour appâter des femmes fortunées jusqu’à sa maison à la campagne et dont il a semble-t-il brûlé les corps, l’escroc Paul Bubach les amène à sa résidence secondaire où il leur sert une boisson empoisonnée avant de les délester tranquillement de leurs économies.


La maison d'Henri Désiré Landru, en apparence un petit pavillon tranquille.

Bien que Landru ait refusé jusqu'au bout d'avouer, la justice française l'a condamné à l'échafaud pour l'assassinat de femmes esseulées naïves qui, loin de la promesse du mariage, ont été empoisonnées puis incinérées dans la cheminée dont les funestes fumées finiront par trahir ses sombres méfaits.

Dans la même logique, la résidence secondaire des bases besognes, cette fois dans la fiction, celle de Paul Bubach.



Paul Bubach va chercher sa nouvelle conquête, Agnes Domberg (Elfriede Kuzmany), et se débarrasse de son chien en prétendant le confier momentanément à un chenil.



Avant le départ promis pour Madère, le séducteur propose une prétendue halte dans sa maison de campagne et offre à Agnes Domberg un verre d'une boisson qui cause bientôt une faiblesse suivi du trépas de l'invitée trop confiante.


Le prédateur qui vient en repérage de ses futures victimes dans un café ne s'attendait pas à susciter l'intérêt de l' inspecteur de police inquisiteur.

        L’Inspecteur Derrick commence à resserrer son enquête sur le coupable qui a côtoyé les disparues, aidé notamment par le chien de l’une d’elle qui semble reconnaître l’homme et son domicile, et identifie des affaires ayant appartenu à sa maîtresse, tandis que sa propre nièce Claire (Kläre Henkel dans la version originale), à laquelle Susan Uhlen prête toute sa candeur, commence à entrevoir l’effroyable vérité et confie ses doutes aux policiers. 



Visite par la police du domicile de Bubach en compagnie de sa nièce et du chien de Madame Domberg qui semble reconnaître les lieux (en bas, photo de tournage pour un plan large absent du montage final ; dans la scène diffusée, les personnages se trouvent déjà près de la barrière du jardin et c'est à cet endroit que Claire désigne du doigt l'adresse proche où elle réside).

        En dépit des assauts de gentillesse de son oncle qui finance ses études, la jeune Claire ne peut plus lui cacher les forts soupçons qui pèsent sur lui et dont il lui est dorénavant impossible de faire abstraction, d'autant qu'elle a rencontré chez lui, ce qui a visiblement ennuyé le maître des lieux, la dernière disparue et qu'elle a vu qu'il avait en sa possession de la documentation relative à la destination où étaient censées se rendre les victimes. Elle se résout donc à lui parler sans faux-semblant de la terrible ombre de culpabilité qui le cerne toujours davantage. L'intéressé, en dépit de son embarras qui imprime sur son visage une expression soucieuse, ne se départit pas d'une certaine contenance et en vient même à prendre de manière légère ses accusations en expliquant qu'il va lui montrer son jardin secret pour dissiper sa suspicion.



L'oncle se montre contrarié lorsqu'il perçoit que sa nièce adorée est tenaillée par des questionnements faisant écho aux investigations lancées à son encontre par la police de Munich.

Monsieur Bubach aurait nettement préféré que sa nièce ne soit pas à la maison lorsque Linda Peters (Inga Birkmann) avec laquelle il avait pris un verre dans le jardin anglais de Munich vient le visiter, désireuse de savoir quand ils pourront se rendre dans l'Île de Madère conformément à la promesse qu'il lui a fait miroiter. 




Après la disparition de Madame Peters, Claire est décidée à obtenir la vérité de la bouche de son oncle.

Le parent de Claire se montre soudain chaleureux et propose sous la raison de lui révéler ses petits secrets de l'emmener dans sa résidence secondaire, où ses victimes ont vécu leurs derniers instants.

        L’oncle décide ainsi de montrer sa demeure campagnarde à sa nièce et nous pressentons le pire à l’occasion d’une scène étouffante durant laquelle ils s’apprêtent à se confronter, alors que le parent d’allure bienveillante qui finance ses études s’efforce dans un premier temps d’éluder le fort soupçon qu’elle nourrit désormais à son encontre, le spectateur envisageant irrépressiblement la forte possibilité que le criminel sans états d’âme et n’ignorant pas qu’elle le soupçonne décide de faire disparaître à son tour la jeune fille innocente. 


Comme le Professeur du Chemin à travers bois, l'hôte d'allure cordiale ferme la porte de sa demeure et affiche soudain une mine sévère alors qu'il s'approche de son invitée.


Le visage toujours fermé, Paul Bubach amène deux coupes de champagne devant participer d'un moment de convivialité. L'image du bas est une photo de tournage, ce plan général qui embrasse les deux protagonistes ne figurant pas dans le montage final et l'éclairage étant moins lumineux dans la séquence qui est plus sombre, à la manière de la demeure en bois dans laquelle se situe le terrifiant dénouement du film de science-fiction psychologique de David Cronenberg Chromosome 3 (The Brood).


Le chalet en bois de Chromosome 3 (The Brood) réalisé en 1979 par David Cronenberg abrite une effrayante progéniture issue des expériences "psychoplasmiques" du Dr Raglan (Oliver Reed, au milieu, assailli par des enfants monstrueux, sur la photo du bas), démontrant l'année de la sortie d'Alien de Ridley Scott que la terreur pouvait surgir aussi bien des sombres profondeurs du psychisme que des ténèbres de l'espace intersidéral.




La jeune fille se montre réticente à porter à ses lèvres la coupe qui lui est destinée, ce qui semble fortement irriter son oncle. 

        Finalement, c’est Paul Bubach lui-même qui, se sentant acculé, décide de boire volontairement le contenu empoisonné d’un verre et il s’écroule juste avant que la police intervienne. Il perd la vie sur fond de la chanson « La mer » de Charles Trenet, la douceur de la musique et des paroles produisant un saisissant contraste avec le caractère particulièrement scabreux de la situation.

        Au vu de la mine déconfite du criminel à l'arrivée de la police, interruption qui permet à la jeune fille de quitter précipitamment la demeure, on pourrait effectivement continuer à se demander si Bubach n'avait pas décidé d'éliminer sa nièce et qu'il a changé son projet, se sentant perdu. Néanmoins, la disparition de l'étudiante n'aurait pas mis fin à l'enquête de la police et aurait même ajouté un fait supplémentaire pour étayer l'accusation à son encontre. Par ailleurs, seul l'assassin avait commencé à boire sa coupe de champagne, or pour autant qu'on puisse le déceler dans l'image sur laquelle se clôt l'épisode, le second verre paraît plein presque jusqu'à ras bord, celui qui était selon toute vraisemblance destiné à Claire ; ainsi, on peut assez manifestement en déduire que le verre dont le contenu était empoisonné était celui que Paul Bubach s'était réservé, dans lequel il avait commencé à boire et que la précipitation des évènements l'a conduit à vider rapidement pour ne pas à avoir à affronter la justice.

        Si l'on se penche sur la séquence des derniers évènements, on peut se montrer assez surpris que le malfaiteur ait décidé de tuer sa dernière victime trop confiante alors que sa nièce l’avait peu auparavant surprise en sa compagnie quand il lui montrait à son domicile sa documentation sur Madère, ces brochures étant associées aux affaires précédentes, sa disparition subséquente ne pouvant ainsi inévitablement que conforter sa quasi-certitude que son parent bienveillant n’était autre que l’odieux criminel, présentant la face double d’un Dr Jekyll et de Mister Hyde. Celui-là ne semblant pas dépourvu d’intelligence, il est permis de s’interroger en se demandant pour quelle raison il a poursuivi son programme criminel, sachant qu’il se condamnait de la sorte.    




A l'approche de la police, Claire laisse son oncle criminel seul face à sa responsabilité, et les deux inspecteurs ne peuvent que découvrir depuis la fenêtre l'assassin qui s'est ôté la vie.

        L’interprétation immédiate pourrait en être que son avidité était si irrépressible qu’il n’a pu se réfréner après le patient travail d'approche qu'il avait conduit avec sa dernière proie ; la retenue dont il semble coutumier ainsi que sa froideur calculatrice font douter de ce motif. Une vision plus moralisatrice pourrait être que la conscience de l’horreur de ses agissements l’aurait amené à chercher à y mettre un terme au travers d’un dernier crime l’accusant sans ambiguïté, avant finalement de décider de se supprimer. Il est aussi fort possible, ce qui peut renforcer cette hypothèse, que la perspective prochaine d’être démasqué et la honte que soit ainsi révélé à sa nièce si innocente et pure l’épouvantable personnage qu’il était en réalité, l’ait au moins inconsciemment poussé à se perdre, en allant d’abord jusqu’au bout de sa logique machiavélique avant de mettre fin à ses jours pour ne pas avoir à supporter son regard une fois la vérité établie de manière incontestable - à moins bien sûr qu'il ait ajouté la substance toxique dans les deux verres pour faire disparaître en même temps que lui sa parente dont il aurait pu préférer qu'elle périsse plutôt qu'elle apprenne la vérité, à l'instar d'escrocs célèbres assassins de leur famille comme les sinistres Dupont de Ligonnès et Jean-Claude Romand, affaires ayant été portées à l'écran. Il peut parfois subsister une part d’inconnu quant à la psychologie des grands criminels, et il arrive effectivement que certains, comme le gendarme psychopathe Lamarre dont l’affaire a été transcrite au cinéma sous le titre La prochaine fois je viserai le cœur, peut-être lassés de leurs propres atrocités ou ne voyant plus d’issue à leur fuite en avant dans le crime, finissent, au lieu de simplement se supprimer, par mettre la police sur leurs traces et à se résoudre à croupir en prison, ou pour le cas évoqué en hôpital psychiatrique – même si pour ce qui concerne le célèbre Jack L’éventreur qui livrait semble-t-il lui aussi à la police quelques indices au travers des lettres qu’il lui aurait adressées, celui-ci n’a jamais été arrêté. L’épisode peut de la sorte laisser subsister quelque mystère sur les ressorts du Mal auquel s’adonnent les criminels les plus froids.

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samedi 18 novembre 2023

UN TRUC SUPER : LE TRIOMPHE DE LA VANITE

 

    L’inspecteur Derrick est appelé pour élucider un vol commis au sein d’une banque dans laquelle il n’y a pas eu véritablement d’effraction. Un truc super (Das Superding) représente un épisode dans lequel la perspicacité de l'Inspecteur Derrick paraît pour une fois prise en défaut – même si dès l’annonce d’un possible cambriolage par un homme abattu peu après son appel téléphonique au directeur de l’établissement, le policier qui visite pour la première fois l’espace sécurisé lève la tête avec une certaine curiosité en direction des petites ouvertures carrées destinées à l’aération, comme si son intuition l’aiguillait contre toute évidence vers ce qui constituera la solution du mystère qu’il sera bientôt appelé à tenter de résoudre, cependant en vain jusqu’à ce qu’il apprenne la vérité d’une manière indirecte.



Un homme (Horst Sachtleben dans le rôle d'Eberhard Witte) prévient le directeur d'une banque d'un projet imminent de cambriolage.



Le banquier Veicht informe Derrick que selon un informateur, son établissement va bientôt être dévalisé et lui indique les dispositifs de sécurité présents sur le site.

    Le mystère de la chambre forte close

    Une fois le forfait effectivement commis, le policier est bien forcé de constater une seconde fois que les ouvertures surplombant la salle du coffre sont trop étroites pour permettre l'accès des malfaiteurs, et il est contraint d’avouer son impuissance à résoudre le crime devant le directeur de la banque (joué par Ulrich Haupt, qui interprétait un cambrioleur sans état d’âme dans un épisode précédent, Un triste dimanche).

    Curieusement, le scénariste Herbert Reinecker n’a pas désiré faire de cette énigme un élément d’interrogation pour le spectateur ordinairement amené dans les œuvres similaires à s’identifier au détective au travers de ses investigations, puisque dans le cas présent il fait de lui le témoin direct du cambriolage en lui permettant d’assister à toute l’opération depuis son commencement – tout comme il lui avait dévoilé que le témoignage de Léna dont les policiers doutaient était fiable au début de l’épisode éponyme détaillé dans un article dédié précédent. Gerke, ancien professeur de mathématiques joué par Horst Buchholz, lequel a dû quitter son métier suite aux séquelles d’un accident, a acheté une discothèque située en face de la banque et entrepris de faire creuser un tunnel jusqu’à l’établissement, le volume sonore de la musique couvrant le bruit des travaux. 


Les deux inspecteurs se font offrir un verre par Gerke (Horst Buchholz), le tenancier d'un établissement nocturne qu'ils pensent avoir quelque rapport avec le projet criminel visant la banque toute proche.


Dans son sous-sol, Gerke fait percer un tunnel en direction de la banque avec ses complices incluant Eduard Krummbach joué par Gottfried Jones (à droite sur la photo du bas) qui sera l'objet d'une surveillance particulière par la police.

    Lorsque l’accès au conduit de ventilation est dégagé, il fait venir un nain, Kranz (Fritz Hakl, vu dans Le Tambour, au visage poupin rappelant le héros lilliputien de La monstrueuse parade de Tod Browning), dont la petite taille lui permet de se glisser jusqu’à son ouverture, de descendre dans la salle grâce à un treuil et de ramasser l’argent placé dans le coffre après en avoir dynamité la porte.


Gerke va chercher à la gare sa botte secrète, un homme de petite taille, Kranz (Fritz Hakl), indispensable à son plan.



Le malfaiteur agile se glisse grâce à sa taille menue jusqu'à la salle du coffre avant d'en repartir avec les liquidités.

    L’ancien enseignant se félicite de son plan ingénieux et de l’exactitude de ses calculs, mais il est trahi par l’élément humain. Une danseuse de la discothèque, qui entretenait de manière non exclusive et intéressée quelque relation avec un des complices, Eberhard Witte, l’avait quitté pour le frère du banquier, principal initiateur avec l’enseignant de cette entreprise malhonnête, et la jalousie avait amené l’éconduit à menacer de toute révéler si son rival ne rompait pas avec elle. Ce dernier l’a donc fait abattre avant qu’il ne dévoile le plan au directeur de la banque en échange d’une somme d’argent, mais son ancien collègue Krummbach (Gottfried John, apparu dans un James Bond et dans Astérix et Obélix contre César dans le rôle du dirigeant de l’Empire romain), qui faisait aussi partie de la bande, savait que c’était le frère du banquier qui l’avait tué et comme Derrick le faisait suivre en connaissant sa proximité avec la victime, il a été le témoin de l’altercation entre les deux hommes. L’intéressé refuse cependant obstinément de coopérer avec l’enquêteur. Étant donné que Krummbach et son défunt ami fréquentaient couramment la discothèque, l’Inspecteur Derrick soupçonne le patron d’être lié au cambriolage et il finira par perquisitionner les sous-sols, découvrant la galerie souterraine et la combinaison harnachée miniature, comprenant alors le procédé utilisé pour dérober les liquidités.  

Jusqu'à cet instant, Stefan Derrick ne pensait pas qu'un être humain pouvait s'introduire dans ce conduit d'aération aux dimensions réduites. 

    C’est donc un élément totalement extérieur au plan qui aboutit à l’arrestation du commanditaire. Le scénariste Herbert Reinecker semble nous dire qu’aussi brillants que paraissent être les criminels et aussi préparés que soient leurs projets, ils ne sont jamais à l’abri d’impondérables, du "grain de sable" qui vient gripper la machine parfaitement huilée, rendant la réussite toujours quelque peu incertaine, d’autant que l’illégalité suppose le secret et la parfaite solidarité entre les individus qui s’associent pour commettre ce genre d’acte.

    La rancœur au cœur

    Un des ressorts de la motivation de Gerke est le ressentiment, l’accident causé par un chauffard qui a endommagé sa mémoire l’ayant privé de son métier, et l’assurance refusant par ailleurs d’indemniser son handicap en arguant du fait que sa gestion de la discothèque démontrerait qu’il a retrouvé l’essentiel de ses capacités, il considère qu’il a une revanche à prendre. L’origine de son projet rappelle la comédie de 1964 Faîtes sauter la banque (connue en Allemagne sous le titre de Balduin, der Geldschrankknaker pour les lecteurs germanophones) de Jean Girault dans laquelle Victor Garnier joué par Louis de Funès entreprend également de creuser une tranchée souterraine entre son magasin de vente d’articles de chasse et de pêche et l’établissement du banquier André Durand-Mareuil interprété par Jean-Pierre Marielle, estimant légitime de s’emparer de l’argent détenu par celui qui lui a conseillé de mauvais placements en bourse et ne semble guère gêné des conséquences financières désastreuses pour le patrimoine de son client.


Les relations sont devenues assez tendues entre le banquier Durand-Mareuil et l'armateur Victor Garnier (à droite) dans le film Faites sauter la banque de Jean Girault, depuis que le premier l'a amené à investir à perte dans une société sitôt nationalisée par le gouvernement du Tanganyka. 

Garnier (de Funès) entreprend de rentrer dans ses fonds en creusant un tunnel entre son magasin et le coffre-fort de la banque.

    Le dénouement de l’épisode Un truc super paraît quelque peu déconcertant, car, à la différence des gérants de la salle de jeu clandestine de l’épisode Calcutta qui disparaissent subitement dès que la police commence à s’intéresser de trop près à l’établissement alors même que l’Inspecteur Derrick a indiqué à un de ses responsables joué par Pinkas Braun qu’il n’est là uniquement que pour retrouver un meurtrier, Gerke, qui a laissé son complice Krank repartir avec l’argent dissimulé dans un étui à contrebasse, attend patiemment dans sa discothèque l’arrivée du policier au lieu de prendre la fuite avec une part de butin. La satisfaction étrange qu’il affiche alors donne l’impression que la confirmation de l’exactitude de ses calculs et la réussite de son plan ayant prouvé ses capacités sont finalement plus importantes que son propre destin, ce moment triomphal faisant passer au second plan la perspective des années de prison qui l’attendent inévitablement.


Gerke jubilant devant l'excellence de ses calculs lors du percement du tunnel, et il est encore tout auréolé de fierté lorsque Derrick qu'il attend sagement vient l'arrêter.

    Une telle attitude serait assez incompréhensible si elle ne s’expliquait par l’orgueil du personnage. On trouve un profil comparable dans un épisode de la série Columbo diffusé le 22 mai 1977 aux États-Unis, Les Surdoués (The Bye-Bye Sky High I.Q. Murder Case). Oliver Brandt (Theodore Bikel) a détourné les fonds de son association de surdoués pour soutenir le train de vie de son épouse Vivian (Samantha Eggar, l’extraordinaire épouse hystérique de Chromosome 3 (The Brood) de David Cronenberg, chef-d'œuvre hitchcockien sous-estimé) ; menacé d’être dénoncé par son ami Bertie, il l’abat à l’étage en faisant croire à l’action d’un rôdeur, mais Columbo est très perspicace comme à son habitude et finit par découvrir nombre d’éléments de la manigance criminelle confirmant sa conviction que Brandt est bien l’assassin, même s’il manque à sa reconstitution un dernier point permettant d’incriminer définitivement le coupable. Celui-ci prend comme un défi la perplexité du détective et se plaît à lui démontrer de quelle manière le plan a pu être finalisé, finissant de convaincre le policier, surpris et ravi de cette précision, que le dirigeant du club des surdoués est bien le seul ayant pu mettre en œuvre cet assassinat parfaitement orchestré avec notamment l’aide d’un tourne-disque et de pétards pour faire croire à une intervention extérieure une fois qu’il avait regagné le salon parmi les membres du club. Oliver Brandt réalise alors qu’il s’est trahi en dévoilant l’ultime secret du procédé utilisé et son visage hilare se fige progressivement alors qu’il vient à son insu de mettre le point final à l’accusation que son antagoniste a élaborée, tout à son plaisir intellectuel de prouver son ingéniosité. Ces esprits qui se pensent supérieurs auront finalement abandonné toute prudence à leur propre détriment, ils auront été perdus par leur vanité.



L'inspecteur Columbo dans l'épisode Les surdoués de la série éponyme peine à déchiffrer les derniers détails du dispositif ayant permis à l'assassin de se créer un alibi pour le meurtre de son ami qui s'apprêtait à révéler son détournement d'argent et celui-ci se montre très satisfait de pouvoir lui démontrer la perfection du mécanisme.



Sitôt l'explication énoncée, Oliver Brandt réalise qu'il s'est trahi en livrant les secrets du procédé ayant parfaitement simulé des coups de feu en son absence grâce à des pétards devant l'ébahissement ravi du détective qui n'a plus alors qu'à demander des aveux signés à celui qu'en dépit de son ingéniosité, son orgueil a perdu.

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