samedi 6 mai 2023

UNE AFFAIRE ETRANGE : UN VAUDEVILLE PEU ORDINAIRE

L'amant, la femme infidèle et l'homme trompé réunis pour de bien mauvaises raisons.

        L’histoire d’un homme fortuné que sa compagne plus jeune trompe avec un homme de son âge… Un sujet d’une triste banalité, représentant un des schémas récurrents des pièces de boulevard, ces comédies à base de quiproquos dans lesquelles le ressort comique repose sur la double vie des personnages. Le sujet de l’infidélité est bien au centre de l’épisode Une affaire étrange, (Pfandhaus), mais Herbert Reinecker s’empare du thème de manière à lui conférer un prolongement tout à fait singulier. Monsieur Karruska dirige une société de prêts sur gage qui lui rapporte un revenu confortable. Cette existence bourgeoise est cependant troublée par ses soupçons croissants au sujet de la fidélité de sa nouvelle compagne, Ursula Mangold, et à l’instar de sa gouvernante, il finit par ne plus avoir de doutes quant à la raison de ses absences répétées du domicile. En dépit de ses supplications, la jeune femme résiste à ses injonctions. 


Monsieur Karruska s'inquiète des absences répétées de sa jeune maitresse ; celle-là s'efforce de le réconforter mais ne renonce pas pour autant à retrouver dès qu'elle le peut le fougueux Forster à qui elle se donne.

Karruska découvre l’endroit où habite l’amant, Erich Forster, un de ses clients avec laquelle elle s’est liée. Il appelle l’homme au téléphone en le suppliant de lui « laisser son Ursula » mais l’intéressé ne veut rien entendre et lui répond avec morgue qu’il n’a pas d’autre choix que de consentir aux besoins de la jeune femme que lui n’est pas en mesure de combler. L’homme trompé, d'autant plus meurtri que son ancienne femme l'a un jour quitté sans explication,  en conclut qu’il ne peut mettre un terme à cette relation indésirable qu’en éliminant physiquement son rival. Il entre dans l’immeuble, gravit les escaliers et sonne à la porte de Forster qui vit avec un colocataire et lorsque ce dernier s’enquiert de l’identité du visiteur, Karruska fait feu au travers de la porte, abattant par erreur le malheureux.


Dorénavant déterminé à mettre fin à la vie de son rival, Karruska se rend à son appartement et tire au travers de la porte sur l'occupant, mais abat sans le savoir le colocataire de l'intéressé, amenant les experts criminels à chercher tout indice qui permettrait d'identifier l'auteur des tirs.

        À sa grande surprise, Forster le contacte bientôt, l’informe qu’il a assassiné la mauvaise personne et le rassure en lui disant qu’il ne révélera rien à la police. Le jeune homme impécunieux voit à travers ces circonstances tragiques l’opportunité de profiter de la fortune de Karruska. Ursula, informée de ce qu’il a fait, se montre aussi très compréhensive à l’égard de son criminel partenaire. Une liaison perverse lie à présent le trio. En échange de son silence, l’amant exige de pouvoir voir sa maîtresse tant qu’il le souhaite et de bénéficier des conditions de vie somptueuses du couple officiel. Aussi heurtée qu’elle le soit, la victime du chantage n’a d’autre solution que d’accepter cette situation hors normes afin d’échapper à la prison. Forster passe facilement par pertes et profit la vie de son colocataire défunt en assurant à celui qui voulait l’assassiner que le mort n’était pas quelqu’un de particulièrement recommandable, ayant déjà trempé dans des affaires louches, et que sa disparition n’est ainsi pas si regrettable. Le retournement de situation est spectaculaire, mais crédible grâce au jeu inspiré des acteurs. Klaus Maria Brandauer est très convaincant en amant joyeusement cynique, qui respecte scrupuleusement sa promesse de préserver l’anonymat du tueur en y trouvant son propre intérêt, mais prend aussi un plaisir retors à humilier Karruska de toutes les manières, celui-là étant dévolu à assister aux ébats adultérins, réduit selon l’expression populaire à « tenir la chandelle », laquelle lui brûle les doigts. Quant à la jeune femme, jouée par Doris Kunstmann, elle ne montre aucun scrupule à s’afficher devant son compagnon dans les bras de Forster, son absence totale d’empathie à l’égard de l'homme bafoué amenant même le spectateur à se demander pour quelle raison Monsieur Karruska y demeure si attaché, d’autant que lorsqu’une de ses jeunes employées séduisantes dont il admirait l’anatomie se montre prête à le consoler et à lui céder, il l’insulte en la repoussant violemment et en la faisant chuter de son escabeau dans une séquence assez choquante, comme si l’homme trompé était sûr qu’elle n’en voulait qu’à son argent et que cette nouvelle infortune sentimentale le poussait dorénavant à haïr toutes les femmes, réduites à des déclinaisons de l’aimée traîtresse, comme dans l’épisode ultérieur Rencontre avec un meurtrier. Max Mairich incarne à merveille ce petit homme renfrogné, bafoué, bouillant intérieurement d’une rage que l’amant prend un plaisir insolent et sadique à alimenter avec la complicité de l’impudique jeune femme, créant une tension très particulière que les protagonistes peinent à cacher à l’Inspecteur Derrick qui se doute bien que Monsieur Karruska ne fait pas si bon accueil à son rival peu discret de son plein gré. Cependant, c’est bien le téléspectateur, et non les policiers, qui se trouve aux premières loges pour assister à cette situation saugrenue.



L'amant qui a réchappé de la tentative de meurtre informe Monsieur Karruska qu'il n'a aucune intention de révéler sa culpabilité à la police mais qu'en contrepartie, il est fortement incité à se montrer bien disposé à l'endroit de la liaison qu'il entretient avec sa bien-aimée.


L'inspecteur Derrick est persuadé que Forster ne lui dit pas toute la vérité sur les circonstances ayant conduit à la mort de son colocataire et son adjoint Harry Klein découvre à l'occasion d'une soirée festive la singulière proximité qui lie celui-ci à Monsieur Karruska et plus particulièrement à sa jeune compagne.







D'abord sous le charme d'une employée provocante, Helga Löhr (Doris Arden), Monsieur Karruska devient fou lorsque celle-là, guidant sa main sur le haut de sa cuisse, lui fait une proposition explicite en essayant de le persuader de se détourner d'Ursula en sa faveur ; alors qu'elle l'incite à la laisser choir, c'est elle qu'il fait à force de coups chuter sur le sol.

        Le dénouement est tout à fait spectaculaire et laisse comme souvent sans voix à la fin d’un épisode de la série. Le policier intervient au moment où Gustl Karruska cocufié, excédé, oublie toute prévention et, ivre de rancœur et de jalousie, est sur le point de commettre son second assassinat en abattant le rival qu’il avait raté la première fois, estimant sans doute que sa propre vie est à présent si vaine que plus rien d’autre ne compte que sa vengeance. L'inspecteur Derrick arrive juste au moment où l'irrémédiable est sur le point d'être commis et il intime à Ursula qu'elle exige que celui avait qui elle partageait sa vie lui remette son arme, en s'interposant entre lui et sa cible. Par un renversement inattendu et un retour soudain de sentiments, Karruska étreint en larmes sa compagne infidèle, point d’orgue d’un épisode qui n’aura cessé d’étonner le spectateur et aura une nouvelle fois illustré les ravages de la passion amoureuse non partagée.




Karruska décidé à achever en tragédie ses déboires amoureux, prêt à supprimer l'amant d'Ursula avant se re réconcilier brièvement avec elle dans un soudain épanchement sentimental surpassant sa colère.

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