Martin Theimer (Franz Boehm), assis, un acteur oublié qui connaît un retour de fortune lorsque le réalisateur Robby Bracht (Peter Bongartz) le choisit finalement comme vedette de son nouveau film, "Le chant du cygne" (en version originale Das Ende der Dinge, soit "La fin des choses").
Le rôle de sa vie (Die Rolle seines Lebens) est un titre signifiant, puisque le rôle en question désigne non
seulement celui qui doit permettre à un acteur sur le retour de
relancer sa carrière, mais de surcroît, le personnage revenu de
tout, déterminé à élucider la mort de sa fille victime d’un
proxénète (une intrigue qui s’apparente d’ailleurs à la trame
de l’épisode ultérieur Judith, mais avec une mère de
famille comme protagoniste en quête de vérité), qu’il
est amené à incarner renvoie directement à la vie réelle de son
interprète s’efforçant de reprendre sa carrière après la
période moins faste qui l’avait entraîné dans la déchéance de
l’alcoolisme. Ce qui aurait pu demeurer anodin entre des mains
moins expertes prend toute sa force dans cette intrigue linéaire
mais irrésistible.
On suit donc dans cet
épisode le parcours d'un acteur, Martin Theimer joué par Franz
Boehm, de sa déchéance jusqu'à sa réhabilitation, puis finalement
au dénouement tragique. Celui-là est convaincu que Mischa Kranz
(Karl-Heinz Vosgerau) n’est pas l’incarnation idéale pour le
rôle principal de l’adaptation du roman « Le chant du
cygne », expliquant au journaliste de cinéma Helmut Bossner
(Edwin Noël) que « Kranz fait du Kranz » dans tous ses
films – en France, Alain Delon disait à ce sujet être un acteur
et non un vrai comédien, car tous les réalisateurs lui demandaient
simplement d’ "être
Delon à l’écran",
alors que Martin Theimer affirme quant à lui être capable de
s’approprier pleinement le rôle, de donner réellement corps au
personnage du roman en lui apportant le ressenti de sa propre
expérience d’homme déchu.


Dorénavant sobre, Martin Theimer (Franz Boehm) prend avec résolution le chemin des studios, résolu à y reprendre sa place, et il est sur son chemin reconnu par un journaliste spécialisé dans le cinéma, Helmut Bossner (Edwin Noël).
Theimer s'attache à convaincre le reporter qu'il est l'interprète parfait pour une production sur le point de débuter, estimant que l'acteur retenu ne peut pas se prévaloir autant que lui-même des qualités nécessitées par le rôle.
Franz Boehm – dont c'est l'unique participation à la série Inspecteur Derrick, rend
parfaitement la personnalité de son incarnation, personnage à la
fois désabusé mais non dépourvu d’une certaine dignité en dépit
des dires des détracteurs convaincus qu’il est fini et n’a plus
rien à faire sur un plateau de tournage. On assiste d’abord à sa
déconvenue lorsqu’il tente de convaincre le réalisateur Robby
Bracht (Peter Bongartz) de lui confier le rôle qui lui paraît tant
faire écho à son propre destin, ce que semblerait pouvoir entendre
le cinéaste, mais le producteur Roland Scholler (Erich Halluber,
ange exterminateur de l’épisode Un homme en trop – voir l'article de septembre 2023, ici
méconnaissable avec sa coiffure frisée) y oppose un refus résolu,
sa réputation l’ayant fait bannir des studios et le rôle étant
de toute manière déjà attribué et le contrat signé avec le
célèbre Mischa Kranz. Le plaideur va jusqu’au bout de sa démarche
quelque peu pathétique lorsque, comme on l’apprendra par la suite, il téléphone à l’acteur retenu
pour le supplier de renoncer en sa faveur ; ce dernier le juge pitoyable et le renvoie sans état d’âme à son triste sort.


Misha Kranz (Karl-Heinz Vosgerau), un acteur tout auréolé de sa gloire, qui ne se montre guère disposé à céder sa place à son rival malheureux qui demande à être entendu à l'occasion d'une réunion de préproduction.
Kranz ne doute pas de pouvoir exceller dans le rôle principal du film "Le chant du cygne", bien que le réalisateur Robby Bracht (Peter Bongartz) paraisse un peu moins enthousiaste à la réflexion.
Theimer s'efforce de convaincre de modifier in extremis la distribution, mais il arrive trop tard, le projet est finalisé et en dépit de son plaidoyer, le producteur exécutif Richard Scholler (Erich Halluber) n'est prêt à concéder au requérant qu'un petit rôle complémentaire.
Alors qu'il répond au journaliste sur ses projets de carrière, l'acteur consacré ne peut s'empêcher de désigner avec condescendance Martin Theimer revenu à la cantine tandis que celui-ci reçoit des marques de sympathie du chauffeur du studio et ancien camarade de beuverie.
Lydia Theimer (Sonja Sutter), l'épouse de l'ancien acteur, est révoltée que celui-là n'ait pas réussi à obtenir le rôle qui lui revient selon elle de droit, et elle lui reproche de ne pas s'être montré plus insistant.
L'acteur engagé, Misha Kranz, relate au journaliste Bossner avec une hilarité goguenarde l'appel suppliant qu'il vient de recevoir de Martin Theimer afin qu'il lui laisse la place, lorsque quelqu'un sonne à son domicile.
C’est alors que la mort soudaine de la vedette engagée, victime d’un assassinat, lui rend l’espoir de pouvoir postuler pour le film. Quelque peu désarçonné par la disparition qui le laisse sans interprète principal, le producteur finit par se laisser gagner par le plaidoyer du réalisateur Robby Bracht convenant que cet homme éprouvé et suppliant correspond effectivement bien à ce qu’on se peut se représenter du personnage principal. L’acteur sur le retour s’avère lors de la réalisation des scènes combler toutes les attentes, incarnant le rôle avec une grande véracité.

Misha Kranz n'imaginait pas que sa prochaine et ultime apparition sur la pellicule serait la photo de son corps prise par le service de l'identité judiciaire.
Le réalisateur du "Chant du cygne" apprend qu'il vient d'être privé de son interprète principal.
Pendant ce temps, l’Inspecteur Derrick ne cesse de s’interroger sur ce soudain renversement de situation, et ne tarde pas à suspecter que Martin Theimer ne soit pas étranger à l’élimination de son concurrent, laquelle lui a de fait si opportunément rendu la possibilité de revenir sous les projecteurs. Sa suspicion ne faiblit pas, et il resserre l’étau psychologique en étant présent sur le tournage et en questionnant sa famille. La situation prend la tournure d’une tension implicite entre la réhabilitation de Theimer, dont la confiance lui revient tandis qu’il éblouit l’assistance par sa prestation, et la volonté farouche du policier munichois d’y mettre un terme par la découverte de la preuve qui lui permettrait enfin de l’incriminer pour homicide. L’épouse (Sonja Sutter) encourage son mari, ravie d’assister à sa renaissance, au côté de sa fille (Rosita Schreiner) et de son petit ami (Pierre Frankh), avant qu’un acteur au rôle patibulaire lui donne la réplique (Dirk Galuba, qui a endossé bien des rôles de méchants dans la série).

A son domicile, Martin Theimer est informé par les policiers du meurtre dont a été victime son concurrent, affectant un certain détachement sans pour autant nier sa supplique téléphonique un peu avant le crime - on peut voir au mur affichés certains de ses portraits lorsqu'il était une vedette.

Le réalisateur Robby Bracht accueille chaleureusement Martin Theimer sur le plateau de tournage, persuadé qu'il va exceller dans son rôle d'homme blessé.
En compagnie de l'Inspecteur Derrick et du metteur en scène, le producteur doit convenir que Theimer qu'il était réticent à engager livre une prestation tout à fait convaincante dans son personnage désabusé.

L'Inspecteur Derrick aimerait bien obtenir du spécialiste du cinéma Helmut Bossner des informations significatives sur la personnalité de Martin Theimer qui lui permettraient de conforter sa conviction que l'acteur n'est pas étranger à l'élimination de son concurrent, et espère que c'est au sein même du plateau de tournage que la vérité se fera jour.

Le policier munichois persiste à demeurer dans l'environnement proche de Martin Theimer, qu'il s'agisse du réalisateur et du producteur du film comme de sa famille, ici avec son épouse, à la recherche d'un indice déterminant.
Le coup de théâtre
surviendra de manière assez subite lorsque Martin Theimer bute
brusquement sur une phrase du dialogue devant l’amener à déclarer
qu’il ne croit pas à l’amour. Il manque en effet soudain
d’assurance, hésite, peine à trouver le ton juste, on sent qu’il
est troublé et il finit par chercher du regard son épouse qu’il
part rejoindre entre deux prises pour qu’elle le réconforte.
Jusqu’à présent, Theimer ne jouait pas totalement, car il
retranscrivait en réalité sur le plateau de tournage son vécu d’homme meurtri, et il en vient soudainement à manquer de
conviction pour énoncer un propos qui s’avère en totale
contradiction avec son expérience personnelle.
L'acteur Dirk Galuba (au centre) incarne à nouveau un truand, mais cette fois il ne s'agit que d'un rôle pour lequel il donne la répartie au personnage principal du film, sous la supervision du réalisateur joué par Peter Bongartz (à gauche), à l'occasion d'une scène à tous points de vue déterminante.
Le jeu de Martin Theimer face à l'acteur qui interprète Schumann (Dirk Galuba) se fige soudain et il part chercher un secours moral auprès de sa femme.
Le policier munichois n’a pas eu besoin de recourir à une garde à vue ni même à un interrogatoire serré pour élucider le crime. Il s’est contenté d’observer, la plupart du temps comme simple spectateur sur le tournage, attendant le moment de vérité, la révélation, laquelle finit par se cristalliser sous ses yeux. L’inspecteur Derrick n’a plus qu’à emmener les deux époux au commissariat pour établir précisément la nature du lien qui les unit. Si l’acteur ébranlé commence d’abord par s’accuser du meurtre afin de protéger sa femme pour laquelle il éprouve de la reconnaissance en raison de son soutien indéfectible, celle-là avoue aussitôt sa visite au rival, dans l’intention de lui arracher son désistement de la production, et elle précise qu’ils en sont venus à s’affronter, dispute à l’issue de laquelle, du moins selon ses dires, la vedette a péri accidentellement. En raison de l’importance que revêtait pour son époux le rôle, et au regard du peu de considération que son concurrent lui témoignait, seule l’élimination, d’une façon ou d’une autre, de Mischa Kranz de la distribution était susceptible de redonner une chance à son mari, sa femme réalisant qu’il s’agissait pour lui de son unique possibilité de surmonter sa déréliction et de revenir dans la lumière, quitte pour elle à user d’arguments littéralement frappants aux funestes conséquences. Ainsi, pour une fois, l’amour est sorti renforcé des épreuves, mais pour mener au pire, au travers de ce qu’on peut considérer comme un crime passionnel altruiste.
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Le couple Theimer est soumis au regard sans concession du détective, qui l'emmène aussitôt au commissariat, où Madame Theimer ne tarde pas à reconnaître son implication directe dans la mort de l'acteur qui contrecarrait la perspective d'une nouvelle carrière de son mari..
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