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mardi 9 juillet 2024

PRICKER : EVADE MALGRE LUI

 

        On dit souvent que la réalité rattrape la fiction, c’est malheureusement ce qu’il s’est produit en France le 14 mai 2024, au péage d’Incarville dans le département de l’Eure, lorsque deux véhicules de l’administration pénitentiaire ont fait l’objet d’une attaque impitoyable par des hommes masqués et lourdement armés surgissant de deux véhicules ayant pris le convoi en tenaille. Deux agents ont été abattus et d’autres ont été blessés très gravement, nécessitant notamment une amputation. Le but de cette opération criminelle était d’extraire un détenu convoqué à une audition, un individu surnommé "La Mouche "à l’instar du personnage tout aussi terrifiant d’un film éponyme de David Cronenberg, et sur lequel planent de terribles accusations d’enlèvements, de tortures et de meurtres.

        La séquence filmée par une caméra de surveillance du réseau autoroutier est d’autant plus choquante pour les spectateurs de la série Inspecteur Derrick qu’ils ont déjà assisté à la scène à l’occasion d’un épisode même si celle-là se déroulait sur un tronçon de route traversant la forêt, mais que cette réédition de l’attaque est cette fois bien réelle, se traduisant par des vies perdues, d’autres brisées, sans parler des familles des différentes victimes à jamais dévastées, alors que celles-là n’ont fait que leur devoir et ce pour un salaire modeste. Il appartiendra à l’enquête de déterminer si le ministère de la Justice n’a pas sous-estimé la dangerosité du détenu en ne prévoyant pas une escorte plus importante et aguerrie, avec notamment le concours des forces de la gendarmerie.

Un fourgon s'avançant vers son sinistre destin dans le 76 ème épisode d'Inspecteur Derrick.

        Ce tragique évènement qui a défrayé la chronique et vient conforter le constat d’une montée de l’intensité des attaques à l’encontre de l’autorité de l’État en France donne une triste occasion de se replonger dans cet épisode, Pricker, dont le début fait basculer une mission ordinaire dans l’horreur. Mais comme souvent dans la série, l’ingénieux scénariste Herbert Reinecker fait prendre à l’intrigue un détour inattendu au lieu de la simple traque des tueurs, et l’on se propose donc de détailler cet épisode.

        Peu de temps avant le transport à Munich de deux prisonniers pour des comparutions, l’une des deux audiences est ajournée et l’intéressé, Hamann (Dirk Galuba), est reconduit dans sa cellule, ce qui l’irrite fort. Durant le déplacement, le convoi est mitraillé, et les hommes de main d’Hamann qui ont commis un véritable massacre des agents pénitentiaires découvrent à l’intérieur du fourgon que celui qu’ils devaient libérer ne s’y trouve pas, la cellule ne renfermant qu’un petit homme faisant piètre figure, Alfred Pricker (Klaus Schwarzkopf). Ils s’apprêtent à repartir, assez désappointés, lorsque leur meneur réalise qu’il est risqué pour eux de laisser en vie le détenu qui les a vus à visage découvert. Le temps de se raviser, celui-ci, méfiant, a eu le temps de s’enfuir et s’est caché dans la forêt. Les criminels repartent alors avant de risquer d’être arrêtés.

Hamann (Dirk Galuba) attend sereinement dans sa cellule d'en être extrait pour sa présentation devant le juge.

Deux détenus sont sortis de prison pour être acheminés au tribunal.




Le convoi pénitentiaire est attaqué avec une grande sauvagerie lors d'un guet-apens, mais le fourgon ne renferme pas Hamann, mais seulement Alfred Pricker (Klaus Schwarzkopf), un petit escroc.

       Se renseignant sur l’identité du fugitif, l’Inspecteur Derrick ne tarde pas à déduire que le prisonnier de petite envergure est sûrement étranger à cette terrible action et lorsqu’il apprend des responsables du centre pénitentiaire qu’un second détenu devait être acheminé vers le palais de justice, il se persuade aussitôt que celui-ci est l’instigateur de l’entreprise qui visait à permettre son évasion, la colère exprimée lors de son retour en cellule signifiant indubitablement son amère surprise devant l’échec de ce plan.



Hamann n'a pu dissimuler sa colère lorsqu'un appel téléphonique à l'administration pénitentiaire avait averti du report de son audience, mettant en échec son plan criminel.

        Tout en lançant des recherches pour retrouver Pricker qui, apeuré, continue de se cacher, Derrick concentre son enquête sur Hamann qui comprend vite les soupçons qui pèsent sur lui, et il fait surveiller son épouse Josefine (Gaby Herbst), mannequin de mode, qui se rend dans un bar appartenant à un nommé Jablonski, suspecté de diriger des affaires criminelles, mais qui n’a jamais pu être inculpé. Harry Klein assène à l’épouse qu’il ne peut comprendre qu’elle ne veuille pas divorcer, lui disant sans élégance qu’elle ne sera « plus fraîche lorsqu’il sortira de prison dans huit ans », à moins qu’elle n’ait escompté son évasion. Derrick rend une nouvelle visite à celle-là en lui disant qu’il est convaincu que l’argent que son mari a réussi à dissimuler devait servir à rémunérer Jablonski pour monter l’opération.






L'Inspecteur Derrick ne tarde pas à convoquer Hamann au parloir pour l'interroger mais cible aussi ses investigations sur son épouse Josefine (Gaby Herbst), s'efforçant en vain d'obtenir des aveux en lui montrant dans le journal les vies détruites par les complices de son mari.

        Pendant ce temps, Pricker, bien mal en point, est recueilli par une veuve à forte personnalité, Franziska Sailer (Ruth Drexel) et sa fille Hanni (Ute Willing – qui a d’ailleurs exercé dans la réalité le métier de mannequin prêté à la femme d’Hamann), lesquelles, apitoyées par ce petit homme terrorisé qui se dit résigné à ce qu’on appelle la police, l’accueillent afin de lui assurer les soins de première nécessité. La jeune fille qui travaille à mi-temps manque même sa matinée d’école pour pouvoir prendre le petit déjeuner avec lui. La mère doit aussi le protéger de sa voisine trop curieuse, Madame Zander (Maria Singer), prête à s’inviter sans prévenir au domicile et à espionner au travers du trou de serrure, en présentant son invité comme le frère de son époux, ce qui n’endort pas la méfiance de cette commère inopportune et même plutôt malveillante même si elle concède une certaine vraisemblance à cette supposée ressemblance.

La jeune Hanni Sailer (Ute Willing) découvre avec inquiétude qu'un homme se cache derrière le linge étendu sur le séchoir du jardin, et rentre précipitamment dans la maison malgré sa demande de secours.



Après avoir fait part de sa rencontre à sa mère Franziska (Ruth Drexel), cette dernière consent à lui porter assistance, le fait entrer dans le domicile, lui permet de prendre un bain et lui prête la robe de chambre de son époux.



Une complicité s'instaure assez rapidement entre le fugitif et l'adolescente.





La voisine trop curieuse, Madame Zander (Maria Singer) est d'une curiosité inextinguible qui ne le cède qu'à son incroyable sans-gêne, n'hésitant pas à entrer de force au domicile de la famille Sailer afin de s'enquérir de l'identité du nouveau venu, présenté comme le frère du mari défunt, sans qu'elle n'établisse un rapprochement avec l'annonce à la radio de l'évasion.

        Madame Sailer se rend finalement chez le frère d’Alfred, Robert Pricker (Werner Schnitzer), qui possède une petite entreprise de menuiserie afin de s’enquérir de l’aide qu’il pourrait lui apporter, mais celui-ci lui répond, comme précédemment à l’inspecteur, qu’il n’a plus de contact avec ce frère indésirable qui a déshonoré sa famille par son comportement – le fugitif avoue finalement qu’il a été principalement incarcéré pour avoir triché au jeu, Franciska s’étonnant alors « qu’on aille en prison pour si peu ». Lorsque la police recontacte Robert Pricker, celui-ci s’en montre surpris en affirmant avoir déjà indiqué à ses services l’adresse que lui a donnée la femme qui l’héberge et Derrick, réalisant aussitôt qu’il s’agit des criminels qui ont abusé de sa crédulité, se précipite avec plusieurs voitures au lieu dit et les forces de l’ordre parviennent à neutraliser les trois tueurs qui n’ont eu le temps que de blesser superficiellement leur cible.

Madame Sailer cherche un appui auprès du frère d'Alfred Pricker, mais celui-ci a tiré un trait sur son parent depuis sa condamnation ; ce contact n'aura pas d'autre effet que de permettre à de faux policiers qui le visitent à leur tour d'apprendre de lui l'adresse où trouver leur cible.

Les tueurs des agents pénitentiaires s'introduisent dans l'habitation dans laquelle est hénergé Pricker, bien décidés à le retrouver avant les autorités de manière à éliminer ce témoin gênant.

        Pricker est un épisode assez touchant. Un concours de circonstances change un évadé inoffensif en gibier apeuré et terrorisé, pour reprendre les termes de son hôtesse, initialement si insignifiant mais sur lequel plane une mise à mort imminente pour s’être simplement trouvé au mauvais endroit et au mauvais moment. Parallèlement à cette menace se met en place un noyau familial qui se reconstitue, alors que le fuyard finit par être totalement intégré dans sa nouvelle résidence au point d’aller se baigner en compagnie de la jeune fille lors d’une excursion pendant que la mère surveille les bicyclettes. En endossant les vêtements de l’époux décédé, il reprend également la place laissée vacante par celui-ci auprès des deux femmes. Mieux, alors qu’il existait des tensions palpables entre la mère et la fille, la présence d’Alfred Pricker exerce un effet apaisant, comme si la cellule familiale était régénérée et dorénavant rééquilibrée.





Une promenade dans la nature conforte une vraie entente entre l'évadé, la veuve et sa fille, à la manière d'une sortie familiale.

        On peut créditer Klaus Schwarzkopf d’avoir si bien su conférer à son personnage une incarnation d’homme perdu et attendrissant, et l’épilogue débouche sur une réaffirmation de l’harmonie recréée lorsque, touché par une balle, il demeure sur le sol en attente des secours, tendant la main pour que Madame Sailer la prenne dans la sienne dans un geste de concorde bienveillante venant clore ces épreuves. La partition de Frank Duval apporte une touche supplémentaire d’émotion, qu’il s’agisse de souligner le réconfort que les trois personnages amenés à se rapprocher reconnaissent éprouver en assemblant les morceaux de leur existence bousculée, de faire ressentir au frère du fugitif son indifférence face à la solitude de celui-ci, ou sur un mode plus grave d’accompagner la tentative de Derrick de faire avouer sa responsabilité à Madame Hamann qu’on devine quelque peu éprouvée lorsqu’il la confronte à la mort des deux policiers pères de famille abattus par ses complices alors que le second vient de succomber à ses blessures. A la différence de nombre d'épisodes sombres, Pricker comme Lena évoqué précédemment débouche sur une belle aventure humaine, lorsque des circonstances tragiques amènent des êtres humains à se reconnaître comme des semblables et à se retrouver dans une forme d'harmonie. Aussi parfaitement réussie que soit la série américaine analogue Columbo, un épisode d’Inspecteur Derrick comme Pricker démontre bien à quel point celle conçue par le scénariste Herbert Reinecker met bien davantage l’accent sur la nature humaine, ne nous laissant pas indifférents, qu’il s’agisse de nous ébranler en nous confrontant à la noirceur humaine la plus absolue ou de susciter l’émotion devant la fragilité des existences, et la compassion que celle-là peut parfois susciter.



Début d'une relation sentimentale ou simple moment de réconfort après l'épreuve, Pricker blessé, sauvé de justesse par les policiers, tend la main vers Madame Sailer qui la saisit, sous le regard assez impassible de l'Inspecteur Derrick.

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mardi 20 février 2024

VACANCES A MADERE : UN PARADIS DONT ON NE REVIENT PAS

 

Moment de séduction au parc avec une ultime conquête à une terrasse devant la Tour chinoise de l'Englischer Garten (le jardin anglais) de Munich.

        Comme le premier épisode d'Inspecteur Derrick qui fut diffuséLe chemin à travers bois - également le premier à avoir été l'objet d'une évocation détaillée en ces pages, Vacances à Madère (Madeira) présente un personnage qui, sous des dehors sympathiques, s'avère être lui aussi le terrifiant auteur d'une série d'assassinats. Le spectateur est ainsi convié à assister aux agissements d’un homme qui abuse de la crédulité des femmes avant de les faire disparaître pour s’accaparer leurs économies. L’acteur Curd Jürgens est d’atour impérial pour son unique apparition dans la série. Il promène sa longue silhouette élégante dans l’entourage de veuves fortunées, ne tardant pas à faire naître en elles l’illusion d’une dernière romance qu’il propose de concrétiser par des vacances à Madère, un lieu paradisiaque qu’il leur fait découvrir au travers de brochures touristiques sur papier glacé, mais qu’elles ne verront jamais. En effet, tel un Landru majestueux, ce célèbre assassin guillotiné du début du XXème siècle, accusé de se servir de petites annonces matrimoniales pour appâter des femmes fortunées jusqu’à sa maison à la campagne et dont il a semble-t-il brûlé les corps, l’escroc Paul Bubach les amène à sa résidence secondaire où il leur sert une boisson empoisonnée avant de les délester tranquillement de leurs économies.


La maison d'Henri Désiré Landru, en apparence un petit pavillon tranquille.

Bien que Landru ait refusé jusqu'au bout d'avouer, la justice française l'a condamné à l'échafaud pour l'assassinat de femmes esseulées naïves qui, loin de la promesse du mariage, ont été empoisonnées puis incinérées dans la cheminée dont les funestes fumées finiront par trahir ses sombres méfaits.

Dans la même logique, la résidence secondaire des bases besognes, cette fois dans la fiction, celle de Paul Bubach.



Paul Bubach va chercher sa nouvelle conquête, Agnes Domberg (Elfriede Kuzmany), et se débarrasse de son chien en prétendant le confier momentanément à un chenil.



Avant le départ promis pour Madère, le séducteur propose une prétendue halte dans sa maison de campagne et offre à Agnes Domberg un verre d'une boisson qui cause bientôt une faiblesse suivi du trépas de l'invitée trop confiante.


Le prédateur qui vient en repérage de ses futures victimes dans un café ne s'attendait pas à susciter l'intérêt de l' inspecteur de police inquisiteur.

        L’Inspecteur Derrick commence à resserrer son enquête sur le coupable qui a côtoyé les disparues, aidé notamment par le chien de l’une d’elle qui semble reconnaître l’homme et son domicile, et identifie des affaires ayant appartenu à sa maîtresse, tandis que sa propre nièce Claire (Kläre Henkel dans la version originale), à laquelle Susan Uhlen prête toute sa candeur, commence à entrevoir l’effroyable vérité et confie ses doutes aux policiers. 



Visite par la police du domicile de Bubach en compagnie de sa nièce et du chien de Madame Domberg qui semble reconnaître les lieux (en bas, photo de tournage pour un plan large absent du montage final ; dans la scène diffusée, les personnages se trouvent déjà près de la barrière du jardin et c'est à cet endroit que Claire désigne du doigt l'adresse proche où elle réside).

        En dépit des assauts de gentillesse de son oncle qui finance ses études, la jeune Claire ne peut plus lui cacher les forts soupçons qui pèsent sur lui et dont il lui est dorénavant impossible de faire abstraction, d'autant qu'elle a rencontré chez lui, ce qui a visiblement ennuyé le maître des lieux, la dernière disparue et qu'elle a vu qu'il avait en sa possession de la documentation relative à la destination où étaient censées se rendre les victimes. Elle se résout donc à lui parler sans faux-semblant de la terrible ombre de culpabilité qui le cerne toujours davantage. L'intéressé, en dépit de son embarras qui imprime sur son visage une expression soucieuse, ne se départit pas d'une certaine contenance et en vient même à prendre de manière légère ses accusations en expliquant qu'il va lui montrer son jardin secret pour dissiper sa suspicion.



L'oncle se montre contrarié lorsqu'il perçoit que sa nièce adorée est tenaillée par des questionnements faisant écho aux investigations lancées à son encontre par la police de Munich.

Monsieur Bubach aurait nettement préféré que sa nièce ne soit pas à la maison lorsque Linda Peters (Inga Birkmann) avec laquelle il avait pris un verre dans le jardin anglais de Munich vient le visiter, désireuse de savoir quand ils pourront se rendre dans l'Île de Madère conformément à la promesse qu'il lui a fait miroiter. 




Après la disparition de Madame Peters, Claire est décidée à obtenir la vérité de la bouche de son oncle.

Le parent de Claire se montre soudain chaleureux et propose sous la raison de lui révéler ses petits secrets de l'emmener dans sa résidence secondaire, où ses victimes ont vécu leurs derniers instants.

        L’oncle décide ainsi de montrer sa demeure campagnarde à sa nièce et nous pressentons le pire à l’occasion d’une scène étouffante durant laquelle ils s’apprêtent à se confronter, alors que le parent d’allure bienveillante qui finance ses études s’efforce dans un premier temps d’éluder le fort soupçon qu’elle nourrit désormais à son encontre, le spectateur envisageant irrépressiblement la forte possibilité que le criminel sans états d’âme et n’ignorant pas qu’elle le soupçonne décide de faire disparaître à son tour la jeune fille innocente. 


Comme le Professeur du Chemin à travers bois, l'hôte d'allure cordiale ferme la porte de sa demeure et affiche soudain une mine sévère alors qu'il s'approche de son invitée.


Le visage toujours fermé, Paul Bubach amène deux coupes de champagne devant participer d'un moment de convivialité. L'image du bas est une photo de tournage, ce plan général qui embrasse les deux protagonistes ne figurant pas dans le montage final et l'éclairage étant moins lumineux dans la séquence qui est plus sombre, à la manière de la demeure en bois dans laquelle se situe le terrifiant dénouement du film de science-fiction psychologique de David Cronenberg Chromosome 3 (The Brood).


Le chalet en bois de Chromosome 3 (The Brood) réalisé en 1979 par David Cronenberg abrite une effrayante progéniture issue des expériences "psychoplasmiques" du Dr Raglan (Oliver Reed, au milieu, assailli par des enfants monstrueux, sur la photo du bas), démontrant l'année de la sortie d'Alien de Ridley Scott que la terreur pouvait surgir aussi bien des sombres profondeurs du psychisme que des ténèbres de l'espace intersidéral.




La jeune fille se montre réticente à porter à ses lèvres la coupe qui lui est destinée, ce qui semble fortement irriter son oncle. 

        Finalement, c’est Paul Bubach lui-même qui, se sentant acculé, décide de boire volontairement le contenu empoisonné d’un verre et il s’écroule juste avant que la police intervienne. Il perd la vie sur fond de la chanson « La mer » de Charles Trenet, la douceur de la musique et des paroles produisant un saisissant contraste avec le caractère particulièrement scabreux de la situation.

        Au vu de la mine déconfite du criminel à l'arrivée de la police, interruption qui permet à la jeune fille de quitter précipitamment la demeure, on pourrait effectivement continuer à se demander si Bubach n'avait pas décidé d'éliminer sa nièce et qu'il a changé son projet, se sentant perdu. Néanmoins, la disparition de l'étudiante n'aurait pas mis fin à l'enquête de la police et aurait même ajouté un fait supplémentaire pour étayer l'accusation à son encontre. Par ailleurs, seul l'assassin avait commencé à boire sa coupe de champagne, or pour autant qu'on puisse le déceler dans l'image sur laquelle se clôt l'épisode, le second verre paraît plein presque jusqu'à ras bord, celui qui était selon toute vraisemblance destiné à Claire ; ainsi, on peut assez manifestement en déduire que le verre dont le contenu était empoisonné était celui que Paul Bubach s'était réservé, dans lequel il avait commencé à boire et que la précipitation des évènements l'a conduit à vider rapidement pour ne pas à avoir à affronter la justice.

        Si l'on se penche sur la séquence des derniers évènements, on peut se montrer assez surpris que le malfaiteur ait décidé de tuer sa dernière victime trop confiante alors que sa nièce l’avait peu auparavant surprise en sa compagnie quand il lui montrait à son domicile sa documentation sur Madère, ces brochures étant associées aux affaires précédentes, sa disparition subséquente ne pouvant ainsi inévitablement que conforter sa quasi-certitude que son parent bienveillant n’était autre que l’odieux criminel, présentant la face double d’un Dr Jekyll et de Mister Hyde. Celui-là ne semblant pas dépourvu d’intelligence, il est permis de s’interroger en se demandant pour quelle raison il a poursuivi son programme criminel, sachant qu’il se condamnait de la sorte.    




A l'approche de la police, Claire laisse son oncle criminel seul face à sa responsabilité, et les deux inspecteurs ne peuvent que découvrir depuis la fenêtre l'assassin qui s'est ôté la vie.

        L’interprétation immédiate pourrait en être que son avidité était si irrépressible qu’il n’a pu se réfréner après le patient travail d'approche qu'il avait conduit avec sa dernière proie ; la retenue dont il semble coutumier ainsi que sa froideur calculatrice font douter de ce motif. Une vision plus moralisatrice pourrait être que la conscience de l’horreur de ses agissements l’aurait amené à chercher à y mettre un terme au travers d’un dernier crime l’accusant sans ambiguïté, avant finalement de décider de se supprimer. Il est aussi fort possible, ce qui peut renforcer cette hypothèse, que la perspective prochaine d’être démasqué et la honte que soit ainsi révélé à sa nièce si innocente et pure l’épouvantable personnage qu’il était en réalité, l’ait au moins inconsciemment poussé à se perdre, en allant d’abord jusqu’au bout de sa logique machiavélique avant de mettre fin à ses jours pour ne pas avoir à supporter son regard une fois la vérité établie de manière incontestable - à moins bien sûr qu'il ait ajouté la substance toxique dans les deux verres pour faire disparaître en même temps que lui sa parente dont il aurait pu préférer qu'elle périsse plutôt qu'elle apprenne la vérité, à l'instar d'escrocs célèbres assassins de leur famille comme les sinistres Dupont de Ligonnès et Jean-Claude Romand, affaires ayant été portées à l'écran. Il peut parfois subsister une part d’inconnu quant à la psychologie des grands criminels, et il arrive effectivement que certains, comme le gendarme psychopathe Lamarre dont l’affaire a été transcrite au cinéma sous le titre La prochaine fois je viserai le cœur, peut-être lassés de leurs propres atrocités ou ne voyant plus d’issue à leur fuite en avant dans le crime, finissent, au lieu de simplement se supprimer, par mettre la police sur leurs traces et à se résoudre à croupir en prison, ou pour le cas évoqué en hôpital psychiatrique – même si pour ce qui concerne le célèbre Jack L’éventreur qui livrait semble-t-il lui aussi à la police quelques indices au travers des lettres qu’il lui aurait adressées, celui-ci n’a jamais été arrêté. L’épisode peut de la sorte laisser subsister quelque mystère sur les ressorts du Mal auquel s’adonnent les criminels les plus froids.

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