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lundi 12 mai 2025

LE RÔLE DE SA VIE : UN JEU QUI FINIT MAL



Martin Theimer (Franz Boehm), assis, un acteur oublié qui connaît un retour de fortune lorsque le réalisateur Robby Bracht (Peter Bongartz) le choisit finalement comme vedette de son nouveau film, "Le chant du cygne" (en version originale Das Ende der Dinge, soit "La fin des choses").

    Le rôle de sa vie (Die Rolle seines Lebens) est un titre signifiant, puisque le rôle en question désigne non seulement celui qui doit permettre à un acteur sur le retour de relancer sa carrière, mais de surcroît, le personnage revenu de tout, déterminé à élucider la mort de sa fille victime d’un proxénète (une intrigue qui s’apparente d’ailleurs à la trame de l’épisode ultérieur Judith, mais avec une mère de famille comme protagoniste en quête de vérité), qu’il est amené à incarner renvoie directement à la vie réelle de son interprète s’efforçant de reprendre sa carrière après la période moins faste qui l’avait entraîné dans la déchéance de l’alcoolisme. Ce qui aurait pu demeurer anodin entre des mains moins expertes prend toute sa force dans cette intrigue linéaire mais irrésistible.

    On suit donc dans cet épisode le parcours d'un acteur, Martin Theimer joué par Franz Boehm, de sa déchéance jusqu'à sa réhabilitation, puis finalement au dénouement tragique. Celui-là est convaincu que Mischa Kranz (Karl-Heinz Vosgerau) n’est pas l’incarnation idéale pour le rôle principal de l’adaptation du roman « Le chant du cygne », expliquant au journaliste de cinéma Helmut Bossner (Edwin Noël) que « Kranz fait du Kranz » dans tous ses films – en France, Alain Delon disait à ce sujet être un acteur et non un vrai comédien, car tous les réalisateurs lui demandaient simplement d’ "être Delon à l’écran", alors que Martin Theimer affirme quant à lui être capable de s’approprier pleinement le rôle, de donner réellement corps au personnage du roman en lui apportant le ressenti de sa propre expérience d’homme déchu.


Dorénavant sobre, Martin Theimer (Franz Boehm) prend avec résolution le chemin des studios, résolu à y reprendre sa place, et il est sur son chemin reconnu par un journaliste spécialisé dans le cinéma, Helmut Bossner (Edwin Noël).


Theimer s'attache à convaincre le reporter qu'il est l'interprète parfait pour une production sur le point de débuter, estimant que l'acteur retenu ne peut pas se prévaloir autant que lui-même des qualités nécessitées par le rôle.

    Franz Boehm – dont c'est l'unique participation à la série Inspecteur Derrick,  rend parfaitement la personnalité de son incarnation, personnage à la fois désabusé mais non dépourvu d’une certaine dignité en dépit des dires des détracteurs convaincus qu’il est fini et n’a plus rien à faire sur un plateau de tournage. On assiste d’abord à sa déconvenue lorsqu’il tente de convaincre le réalisateur Robby Bracht (Peter Bongartz) de lui confier le rôle qui lui paraît tant faire écho à son propre destin, ce que semblerait pouvoir entendre le cinéaste, mais le producteur Roland Scholler (Erich Halluber, ange exterminateur de l’épisode Un homme en trop – voir l'article de septembre 2023, ici méconnaissable avec sa coiffure frisée) y oppose un refus résolu, sa réputation l’ayant fait bannir des studios et le rôle étant de toute manière déjà attribué et le contrat signé avec le célèbre Mischa Kranz. Le plaideur va jusqu’au bout de sa démarche quelque peu pathétique lorsque, comme on l’apprendra par la suite, il téléphone à l’acteur retenu pour le supplier de renoncer en sa faveur ; ce dernier le juge pitoyable et le renvoie sans état d’âme à son triste sort.


Misha Kranz (Karl-Heinz Vosgerau), un acteur tout auréolé de sa gloire, qui ne se montre guère disposé à céder sa place à son rival malheureux qui demande à être entendu à l'occasion d'une réunion de préproduction.

Kranz ne doute pas de pouvoir exceller dans le rôle principal du film "Le chant du cygne", bien que le réalisateur Robby Bracht (Peter Bongartz) paraisse un peu moins enthousiaste à la réflexion.


Theimer s'efforce de convaincre de modifier in extremis la distribution, mais il arrive trop tard, le projet est finalisé et en dépit de son plaidoyer, le producteur exécutif Richard Scholler (Erich Halluber) n'est prêt à concéder au requérant qu'un petit rôle complémentaire.

Alors qu'il répond au journaliste sur ses projets de carrière, l'acteur consacré ne peut s'empêcher de désigner avec condescendance Martin Theimer revenu à la cantine tandis que celui-ci reçoit des marques de sympathie du chauffeur du studio et ancien camarade de beuverie.

Lydia Theimer (Sonja Sutter), l'épouse de l'ancien acteur, est révoltée que celui-là n'ait pas réussi à obtenir le rôle qui lui revient selon elle de droit, et elle lui reproche de ne pas s'être montré plus insistant.

L'acteur engagé, Misha Kranz, relate au journaliste Bossner avec une hilarité goguenarde l'appel suppliant qu'il vient de recevoir de Martin Theimer afin qu'il lui laisse la place, lorsque quelqu'un sonne à son domicile.

    C’est alors que la mort soudaine de la vedette engagée, victime d’un assassinat, lui rend l’espoir de pouvoir postuler pour le film. Quelque peu désarçonné par la disparition qui le laisse sans interprète principal, le producteur finit par se laisser gagner par le plaidoyer du réalisateur Robby Bracht convenant que cet homme éprouvé et suppliant correspond effectivement bien à ce qu’on se peut se représenter du personnage principal. L’acteur sur le retour s’avère lors de la réalisation des scènes combler toutes les attentes, incarnant le rôle avec une grande véracité. 

Misha Kranz n'imaginait pas que sa prochaine et ultime apparition sur la pellicule serait la photo de son corps prise par le service de l'identité judiciaire.

Le réalisateur du "Chant du cygne" apprend qu'il vient d'être privé de son interprète principal.

    Pendant ce temps, l’Inspecteur Derrick ne cesse de s’interroger sur ce soudain renversement de situation, et ne tarde pas à suspecter que Martin Theimer ne soit pas étranger à l’élimination de son concurrent, laquelle lui a de fait si opportunément rendu la possibilité de revenir sous les projecteurs. Sa suspicion ne faiblit pas, et il resserre l’étau psychologique en étant présent sur le tournage et en questionnant sa famille. La situation prend la tournure d’une tension implicite entre la réhabilitation de Theimer, dont la confiance lui revient tandis qu’il éblouit l’assistance par sa prestation, et la volonté farouche du policier munichois d’y mettre un terme par la découverte de la preuve qui lui permettrait enfin de l’incriminer pour homicide. L’épouse (Sonja Sutter) encourage son mari, ravie d’assister à sa renaissance, au côté de sa fille (Rosita Schreiner) et de son petit ami (Pierre Frankh), avant qu’un acteur au rôle patibulaire lui donne la réplique (Dirk Galuba, qui a endossé bien des rôles de méchants dans la série).

A son domicile, Martin Theimer est informé par les policiers du meurtre dont a été victime son concurrent, affectant un certain détachement sans pour autant nier sa supplique téléphonique un peu avant le crime - on peut voir au mur affichés certains de ses portraits lorsqu'il était une vedette.

Le réalisateur Robby Bracht accueille chaleureusement Martin Theimer sur le plateau de tournage, persuadé qu'il va exceller dans son rôle d'homme blessé.


En compagnie de l'Inspecteur Derrick et du metteur en scène, le producteur doit convenir que Theimer qu'il était réticent à engager livre une prestation tout à fait convaincante dans son personnage désabusé.


L'Inspecteur Derrick aimerait bien obtenir du spécialiste du cinéma Helmut Bossner des informations significatives sur la personnalité de Martin Theimer qui lui permettraient de conforter sa conviction que l'acteur n'est pas étranger à l'élimination de son concurrent, et espère que c'est au sein même du plateau de tournage que la vérité se fera jour.


Le policier munichois persiste à demeurer dans l'environnement proche de Martin Theimer, qu'il s'agisse du réalisateur et du producteur du film comme de sa famille, ici avec son épouse, à la recherche d'un indice déterminant.

    Le coup de théâtre surviendra de manière assez subite lorsque Martin Theimer bute brusquement sur une phrase du dialogue devant l’amener à déclarer qu’il ne croit pas à l’amour. Il manque en effet soudain d’assurance, hésite, peine à trouver le ton juste, on sent qu’il est troublé et il finit par chercher du regard son épouse qu’il part rejoindre entre deux prises pour qu’elle le réconforte. Jusqu’à présent, Theimer ne jouait pas totalement, car il retranscrivait en réalité sur le plateau de tournage son vécu d’homme meurtri, et il en vient soudainement à manquer de conviction pour énoncer un propos qui s’avère en totale contradiction avec son expérience personnelle.


L'acteur Dirk Galuba (au centre) incarne à nouveau un truand, mais cette fois il ne s'agit que d'un rôle pour lequel il donne la répartie au personnage principal du film, sous la supervision du réalisateur joué par Peter Bongartz (à gauche), à l'occasion d'une scène à tous points de vue déterminante.



Le jeu de Martin Theimer face à l'acteur qui interprète Schumann (Dirk Galuba) se fige soudain et il part chercher un secours moral auprès de sa femme.

Le policier munichois n’a pas eu besoin de recourir à une garde à vue ni même à un interrogatoire serré pour élucider le crime. Il s’est contenté d’observer, la plupart du temps comme simple spectateur sur le tournage, attendant le moment de vérité, la révélation, laquelle finit par se cristalliser sous ses yeux. L’inspecteur Derrick n’a plus qu’à emmener les deux époux au commissariat pour établir précisément la nature du lien qui les unit. Si l’acteur ébranlé commence d’abord par s’accuser du meurtre afin de protéger sa femme pour laquelle il éprouve de la reconnaissance en raison de son soutien indéfectible, celle-là avoue aussitôt sa visite au rival, dans l’intention de lui arracher son désistement de la production, et elle précise qu’ils en sont venus à s’affronter, dispute à l’issue de laquelle, du moins selon ses dires,  la vedette a péri accidentellement. En raison de l’importance que revêtait pour son époux le rôle, et au regard du peu de considération que son concurrent lui témoignait, seule l’élimination, d’une façon ou d’une autre, de Mischa Kranz de la distribution était susceptible de redonner une chance à son mari, sa femme réalisant qu’il s’agissait pour lui de son unique possibilité de surmonter sa déréliction et de revenir dans la lumière, quitte pour elle à user d’arguments littéralement frappants aux funestes conséquences. Ainsi, pour une fois, l’amour est sorti renforcé des épreuves, mais pour mener au pire, au travers de ce qu’on peut considérer comme un crime passionnel altruiste.


Le couple Theimer est soumis au regard sans concession du détective, qui l'emmène aussitôt au commissariat, où Madame Theimer ne tarde pas à reconnaître son implication directe dans la mort de l'acteur qui contrecarrait la perspective d'une nouvelle carrière de son mari..

*
 

mardi 9 juillet 2024

PRICKER : EVADE MALGRE LUI

 

        On dit souvent que la réalité rattrape la fiction, c’est malheureusement ce qu’il s’est produit en France le 14 mai 2024, au péage d’Incarville dans le département de l’Eure, lorsque deux véhicules de l’administration pénitentiaire ont fait l’objet d’une attaque impitoyable par des hommes masqués et lourdement armés surgissant de deux véhicules ayant pris le convoi en tenaille. Deux agents ont été abattus et d’autres ont été blessés très gravement, nécessitant notamment une amputation. Le but de cette opération criminelle était d’extraire un détenu convoqué à une audition, un individu surnommé "La Mouche "à l’instar du personnage tout aussi terrifiant d’un film éponyme de David Cronenberg, et sur lequel planent de terribles accusations d’enlèvements, de tortures et de meurtres.

        La séquence filmée par une caméra de surveillance du réseau autoroutier est d’autant plus choquante pour les spectateurs de la série Inspecteur Derrick qu’ils ont déjà assisté à la scène à l’occasion d’un épisode même si celle-là se déroulait sur un tronçon de route traversant la forêt, mais que cette réédition de l’attaque est cette fois bien réelle, se traduisant par des vies perdues, d’autres brisées, sans parler des familles des différentes victimes à jamais dévastées, alors que celles-là n’ont fait que leur devoir et ce pour un salaire modeste. Il appartiendra à l’enquête de déterminer si le ministère de la Justice n’a pas sous-estimé la dangerosité du détenu en ne prévoyant pas une escorte plus importante et aguerrie, avec notamment le concours des forces de la gendarmerie.

Un fourgon s'avançant vers son sinistre destin dans le 76 ème épisode d'Inspecteur Derrick.

        Ce tragique évènement qui a défrayé la chronique et vient conforter le constat d’une montée de l’intensité des attaques à l’encontre de l’autorité de l’État en France donne une triste occasion de se replonger dans cet épisode, Pricker, dont le début fait basculer une mission ordinaire dans l’horreur. Mais comme souvent dans la série, l’ingénieux scénariste Herbert Reinecker fait prendre à l’intrigue un détour inattendu au lieu de la simple traque des tueurs, et l’on se propose donc de détailler cet épisode.

        Peu de temps avant le transport à Munich de deux prisonniers pour des comparutions, l’une des deux audiences est ajournée et l’intéressé, Hamann (Dirk Galuba), est reconduit dans sa cellule, ce qui l’irrite fort. Durant le déplacement, le convoi est mitraillé, et les hommes de main d’Hamann qui ont commis un véritable massacre des agents pénitentiaires découvrent à l’intérieur du fourgon que celui qu’ils devaient libérer ne s’y trouve pas, la cellule ne renfermant qu’un petit homme faisant piètre figure, Alfred Pricker (Klaus Schwarzkopf). Ils s’apprêtent à repartir, assez désappointés, lorsque leur meneur réalise qu’il est risqué pour eux de laisser en vie le détenu qui les a vus à visage découvert. Le temps de se raviser, celui-ci, méfiant, a eu le temps de s’enfuir et s’est caché dans la forêt. Les criminels repartent alors avant de risquer d’être arrêtés.

Hamann (Dirk Galuba) attend sereinement dans sa cellule d'en être extrait pour sa présentation devant le juge.

Deux détenus sont sortis de prison pour être acheminés au tribunal.




Le convoi pénitentiaire est attaqué avec une grande sauvagerie lors d'un guet-apens, mais le fourgon ne renferme pas Hamann, mais seulement Alfred Pricker (Klaus Schwarzkopf), un petit escroc.

       Se renseignant sur l’identité du fugitif, l’Inspecteur Derrick ne tarde pas à déduire que le prisonnier de petite envergure est sûrement étranger à cette terrible action et lorsqu’il apprend des responsables du centre pénitentiaire qu’un second détenu devait être acheminé vers le palais de justice, il se persuade aussitôt que celui-ci est l’instigateur de l’entreprise qui visait à permettre son évasion, la colère exprimée lors de son retour en cellule signifiant indubitablement son amère surprise devant l’échec de ce plan.



Hamann n'a pu dissimuler sa colère lorsqu'un appel téléphonique à l'administration pénitentiaire avait averti du report de son audience, mettant en échec son plan criminel.

        Tout en lançant des recherches pour retrouver Pricker qui, apeuré, continue de se cacher, Derrick concentre son enquête sur Hamann qui comprend vite les soupçons qui pèsent sur lui, et il fait surveiller son épouse Josefine (Gaby Herbst), mannequin de mode, qui se rend dans un bar appartenant à un nommé Jablonski, suspecté de diriger des affaires criminelles, mais qui n’a jamais pu être inculpé. Harry Klein assène à l’épouse qu’il ne peut comprendre qu’elle ne veuille pas divorcer, lui disant sans élégance qu’elle ne sera « plus fraîche lorsqu’il sortira de prison dans huit ans », à moins qu’elle n’ait escompté son évasion. Derrick rend une nouvelle visite à celle-là en lui disant qu’il est convaincu que l’argent que son mari a réussi à dissimuler devait servir à rémunérer Jablonski pour monter l’opération.






L'Inspecteur Derrick ne tarde pas à convoquer Hamann au parloir pour l'interroger mais cible aussi ses investigations sur son épouse Josefine (Gaby Herbst), s'efforçant en vain d'obtenir des aveux en lui montrant dans le journal les vies détruites par les complices de son mari.

        Pendant ce temps, Pricker, bien mal en point, est recueilli par une veuve à forte personnalité, Franziska Sailer (Ruth Drexel) et sa fille Hanni (Ute Willing – qui a d’ailleurs exercé dans la réalité le métier de mannequin prêté à la femme d’Hamann), lesquelles, apitoyées par ce petit homme terrorisé qui se dit résigné à ce qu’on appelle la police, l’accueillent afin de lui assurer les soins de première nécessité. La jeune fille qui travaille à mi-temps manque même sa matinée d’école pour pouvoir prendre le petit déjeuner avec lui. La mère doit aussi le protéger de sa voisine trop curieuse, Madame Zander (Maria Singer), prête à s’inviter sans prévenir au domicile et à espionner au travers du trou de serrure, en présentant son invité comme le frère de son époux, ce qui n’endort pas la méfiance de cette commère inopportune et même plutôt malveillante même si elle concède une certaine vraisemblance à cette supposée ressemblance.

La jeune Hanni Sailer (Ute Willing) découvre avec inquiétude qu'un homme se cache derrière le linge étendu sur le séchoir du jardin, et rentre précipitamment dans la maison malgré sa demande de secours.



Après avoir fait part de sa rencontre à sa mère Franziska (Ruth Drexel), cette dernière consent à lui porter assistance, le fait entrer dans le domicile, lui permet de prendre un bain et lui prête la robe de chambre de son époux.



Une complicité s'instaure assez rapidement entre le fugitif et l'adolescente.





La voisine, Madame Zander (Maria Singer), est d'une curiosité inextinguible qui ne le cède qu'à son incroyable sans-gêne, n'hésitant pas à entrer de force au domicile de la famille Sailer afin de s'enquérir de l'identité du nouveau venu, présenté comme le frère du mari défunt, sans qu'elle n'établisse un rapprochement avec l'annonce à la radio de l'évasion.

        Madame Sailer se rend finalement chez le frère d’Alfred, Robert Pricker (Werner Schnitzer), qui possède une petite entreprise de menuiserie afin de s’enquérir de l’aide qu’il pourrait lui apporter, mais celui-ci lui répond, comme précédemment à l’inspecteur, qu’il n’a plus de contact avec ce frère indésirable qui a déshonoré sa famille par son comportement – le fugitif avoue finalement qu’il a été principalement incarcéré pour avoir triché au jeu, Franciska s’étonnant alors « qu’on aille en prison pour si peu ». Lorsque la police recontacte Robert Pricker, celui-ci s’en montre surpris en affirmant avoir déjà indiqué à ses services l’adresse que lui a donnée la femme qui l’héberge et Derrick, réalisant aussitôt qu’il s’agit des criminels qui ont abusé de sa crédulité, se précipite avec plusieurs voitures au domicile de Madame Sailer et les forces de l’ordre parviennent à neutraliser les trois tueurs qui n’ont eu le temps que de blesser superficiellement leur cible.

Madame Sailer cherche un appui auprès du frère d'Alfred Pricker, mais celui-ci a tiré un trait sur son parent depuis sa condamnation ; ce contact n'aura pas d'autre effet que de permettre à de faux policiers qui le visitent à leur tour d'apprendre de lui l'adresse où trouver leur cible.

Les tueurs des agents pénitentiaires s'introduisent dans l'habitation dans laquelle est hébergé Pricker, bien décidés à le retrouver avant les autorités de manière à éliminer ce témoin gênant.

        Pricker est un épisode assez touchant. Un concours de circonstances change un évadé inoffensif en gibier apeuré et terrorisé, pour reprendre les termes de son hôtesse, initialement si insignifiant mais sur lequel plane une mise à mort imminente pour s’être simplement trouvé au mauvais endroit et au mauvais moment. Parallèlement à cette menace se met en place un noyau familial qui se reconstitue, alors que le fuyard finit par être totalement intégré dans sa nouvelle résidence au point d’aller se baigner en compagnie de la jeune fille lors d’une excursion pendant que la mère surveille les bicyclettes. En endossant les vêtements de l’époux décédé, il reprend également la place laissée vacante par celui-ci auprès des deux femmes. Mieux, alors qu’il existait des tensions palpables entre la mère et la fille, la présence d’Alfred Pricker exerce un effet apaisant, comme si la cellule familiale était régénérée et dorénavant rééquilibrée.





Une promenade dans la nature conforte une vraie entente entre l'évadé, la veuve et sa fille, à la manière d'une sortie familiale.

        On peut créditer Klaus Schwarzkopf d’avoir si bien su conférer à son personnage une incarnation d’homme perdu et attendrissant, et l’épilogue débouche sur une réaffirmation de l’harmonie recréée lorsque, touché par une balle, il demeure sur le sol en attente des secours, tendant la main pour que Madame Sailer la prenne dans la sienne dans un geste de concorde bienveillante venant clore ces épreuves. La partition de Frank Duval apporte une touche supplémentaire d’émotion, qu’il s’agisse de souligner le réconfort que les trois personnages amenés à se rapprocher reconnaissent éprouver en assemblant les morceaux de leur existence bousculée, de faire ressentir au frère du fugitif son indifférence face à la solitude de celui-ci, ou sur un mode plus grave d’accompagner la tentative de Derrick de faire avouer sa responsabilité à Madame Hamann qu’on devine quelque peu éprouvée lorsqu’il la confronte à la mort des deux policiers pères de famille abattus par ses complices alors que le second vient de succomber à ses blessures. A la différence de nombre d'épisodes sombres, Pricker comme Lena évoqué précédemment débouche sur une belle aventure humaine, lorsque des circonstances tragiques amènent des êtres humains à se reconnaître comme des semblables et à se retrouver dans une forme d'harmonie. Aussi parfaitement réussie que soit la série américaine analogue Columbo, un épisode d’Inspecteur Derrick comme Pricker démontre bien à quel point celle conçue par le scénariste Herbert Reinecker met bien davantage l’accent sur la nature humaine, ne nous laissant pas indifférents, qu’il s’agisse de nous ébranler en nous confrontant à la noirceur humaine la plus absolue ou de susciter l’émotion devant la fragilité des existences, et la compassion que celle-là peut parfois susciter.



Début d'une relation sentimentale ou simple moment de réconfort après l'épreuve, Pricker blessé, sauvé de justesse par les policiers, tend la main vers Madame Sailer qui la saisit, sous le regard assez impassible de l'Inspecteur Derrick.

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