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vendredi 16 septembre 2022

LES BRILLANTS SECONDS ROLES

Trois interprètes notables récurrents de la série Inspecteur Derrick, réunis sur les planches en 1988 pour la pièce Der Lebensretter, à gauche, assis, Klaus Schwarzkopf, au milieu, Ursula Lingen, et debout à droite, Peter Fricke. 

Même si Horst Tappert personnifie la série au travers de son rôle d'Inspecteur Derrick, celle-là ne serait pas si marquante sans les acteurs accomplis qui se succèdent et qu'on retrouve à l'occasion d'un épisode à l'autre dans un nouveau rôle, donnant vie aux personnages imaginés par le scénariste Herbert Reinecker.

Ceux-ci sont généralement brillants, portant l'histoire en incarnant les situations signifiantes. La participation des interprètes ponctuels revêt en effet une importance cruciale dans la série ; non seulement leur place peut être essentielle voire centrale dans l'épisode, mais une responsabilité forte leur incombe. Tandis qu'on exige principalement d'Horst Tappert et de Fritz Wepper qu'ils soient des acteurs au sens premier du terme,  c'est-à-dire qu'ils restituent scrupuleusement les dialogues, avec le ton juste et en situation, en servant le fil conducteur des enquêtes, sous le regard vigilant et intransigeant du scénariste Herbert Reinecker, on attend des comédiens occasionnels qu'ils se livrent à une vraie composition de manière à rendre leur personnage particulièrement convaincant, à la fois crédible et susceptible de capter l'attention du spectateur, car c'est sur eux que repose tout particulièrement la tension dramatique de l' intrigue d'un épisode dans tout ce qu'il comporte de singulier. Beaucoup sont des acteurs de théâtre, certains ayant travaillé sous la direction de Peter Weiss, et font couramment aussi du doublage de films et séries. Fin connaisseurs des grands auteurs dont ils interprétaient les pièces sur scène ou sous forme de lecture, ils faisaient partie de l'élite culturelle de l'Allemagne, à mille lieues de l'image ringarde que voulaient donner de la série les contempteurs snobs ou puérils en France. Il n'est pas rare qu'ils aient mené leur carrière jusqu'à la fin de leurs jours, lorsque celle-là n'a pas été abrégée par un destin tragique. Ils interprètent leurs rôles avec tant de conviction, de crédibilité, qu'on a tendance à oublier qu'ils sont en train de jouer devant la caméra, et qu'on est au contraire spontanément porté à croire qu'il s'agit personnages réels saisis dans les aléas du quotidien.

Le dramaturge Peter Weiss, posant devant une de ses peintures, a dirigé un certain nombre d'acteurs d'Inspecteur Derrick sur les planches.

Ernst Schröder (assis dans le fauteuil) est apparu dans cinq épisodes d'Inspecteur Derrick ;  on le voit ici dans la pièce de théâtre Fin de partie sous la direction de l'auteur Samuel Beckett (à côté)  - lequel a aussi mis en scène Klaus Herm, qui a quant à lui tourné dans pas moins de treize épisodes de la série policière d'Herbert Reinecker. Traugott Buhre, vu dans sept épisodes, a aussi interprété une pièce du dramaturge de l'absurde en 2006.

Certains composent des figures fort inquiétantes, comme Dirk Galuba, Peter Kuiper, Wilfried Bassner, Gerd Haucke, Peter Fricke, Pinkas Braun, Traugott Buhre, Volker Eckstein ou encore Maria Becker, tandis que d'autres se prêtent plutôt spontanément à incarner des victimes, des êtres manipulables comme Pierre Franckh, Holger Handtke, Dieter Schidor ou encore Philip Moog. Beaucoup d'autres naturellement pourraient être cités, comme Gerd Bukhard qui joue des personnages apparemment lisses, Karl Renar des individus renfrognés et mal aimables, ou d'autres qui expriment une certaine lâcheté, une pleutrerie parfois accompagnée de veulerie comme Ralf Schermuly, Gerd Baltus, Klaus Herm, Herbert Fleischmann, Dirk Dautzenberg, sans parler de Walter Schwarzkopf qui ajoute souvent à son caractère un peu effacé et velléitaire une fragilité qui invite à la compassion voire suscite une petite touche d'émotion. 

On peut relever que les acteurs d’Inspecteur Derrick composant les criminels endurcis les plus impressionnants comme Wilfried Baasner, Peter Kuiper et Gert Haucke ont toujours joué séparément dans des épisodes de la série – et ne côtoient pas davantage Dirk Galuba, un autre acteur typé spécialisé dans les rôles de truands qui est apparu une vingtaine de fois dans le programme jusque dans l’ultime épisode. Ces interprètes confèrent à leurs personnages une force si prégnante qu’ils sont la pièce maîtresse d’un épisode, le pilier de l’histoire suscitant une fascination quelque peu perverse quand bien même leur rôle dans l’intrigue demeure au second plan, comme Wilfried Baasner dans Nuit blanche, jouant Rotter qui exerce un chantage sur son avocat depuis sa cellule de prison. Ces acteurs marquants à la puissance presque magnétique sont utilisés séparément dans la série, comme si les épisodes dans lesquels ils figurent étaient structurés autour de leur incarnation et qu’il convenait de les mettre en valeur de manière exclusive, chacun à leur tour, de manière à optimiser le procédé de captation de l’attention qu’on pourrait presque rapprocher du principe établi par les créateurs de la série de science-fiction des années 1960 Au-delà du réel (The Outer Limits) qui visait à faire frémir le spectateur en proposant à chaque fois une nouvelle créature monstrueuse surnommée "ours", soit le clou du spectacle qu’on lui promettait à chaque rendez-vous avec le programme, et il est vrai qu’à chaque apparition, ces comédiens captent l’attention. Les esprits chagrins pourraient arguer que ces acteurs, en particulier Baasner, Haucke ou Galuba, ne cultivent pas la subtilité dans leur interprétation ; cependant, des êtres rustres, dépourvus d’empathie et de tout scrupule tels ceux qu’ils composent sont malheureusement loin d’être rares dans le monde réel. La psychologie de la série ne s’attache pas particulièrement à explorer les ressorts de l’esprit des criminels à l'exception d'Un mort sur la voie ferrée – même si dans Une longue journée, nous sommes rendus témoins des hésitations de Hassel (Robert Meyer), l’acolyte de Koller joué par Baasner, qui tente de modérer la violence de son chef, mais elle affleure plutôt dans les situations elles-mêmes en ce qu'elles révèlent les individus. Le scénariste Herbert Reinecker agence finement l’atmosphère des histoires et les dialogues qui rendent compte de l’évolution des rapports de force, il est principalement demandé à ces acteurs accomplis de prêter une force concrète à ces personnages de brutes et ceux-ci remplissent leur tâche de manière exemplaire en leur donnant vie à chaque instant de leur passage à l’écran, y bousculant la vie des infortunés qui ont le malheur de croiser leur chemin et générant une vraie tension dramatique.


Trois acteurs ayant à plusieurs reprises composé des personnages patibulaires dans la série Inspecteur Derrick, prêts à tenir vigoureusement tête au policier munichois, Wilfried Baasner, Peter Kuiper et Gert Haucke. Gare si ces chauves sourient...

On reviendra sur certains visages particulièrement mémorables qui ont jalonné la série, avec quelque allusion à leur carrière souvent méconnue hors d'Allemagne.

Trois acteurs ayant tourné à plusieurs reprises dans la série Inspecteur Derrick se trouvent réunis en 1987 à l'occasion du jeu télévisé "Na siehste !" présenté par Elton Elton, de gauche à droite, Wilfried Baasner, Susanne Uhlen et Wolf Roth.