Fabrice apprécie que dans le Dictionnaire de la télévision française dont il a fait l'acquisition, la série allemande Inspecteur Derrick ne soit pas oubliée.
Maintenant que le lecteur
a pu se
familiariser avec la série Inspecteur
Derrick au travers de cette longue conversation entre
connaisseurs
qu’on espère enrichissante, nous allons nous
interroger plus précisément dans cette
dernière partie de l’entretien sur la vision que
son unique scénariste Herbert Reinecker donne
de la société.
Question
d’interprétation
-
Est-ce
qu'un des thèmes principaux de la série ne serait pas la solitude
qui touche un
nombre croissant de personnes dans
une société en voie de perdre ses repères traditionnels, lesquels
structuraient la vie depuis l'après-guerre - déjà dans Der
Kommissar
qui a précédé Inspecteur Derrick, Herbert Reinecker semblait
porter un regard critique sur la libéralisation des mœurs ?
-
Il
est
vrai qu’une bonne partie des personnages dépeints dans la série
sont seuls, à commencer par Derrick, qui n’a pour
seul
ami que Klein (nota : deux épisodes plus particulièrement centrés
sur ce sujet, À
cœur perdu
et La
vérité,
seront évoqués plus en détail sur ce site). Je
pense aussi que nombre
des
personnages de la série ont développé des addictions telle
que
la drogue et qu’on a alors profité d’eux, car ils sont seuls,
vulnérables.
J’ajoute
pour ma part que
les jeunes femmes qu’on voit se prostituer
ne
sont pas seulement en quête d’argent,
mais recherchent
aussi une forme de
contact humain (nota : ce qui est au moins le cas d’une partie des
clients, dont certains veulent avant tout parler avec quelqu'un). La
Guerre et ses millions de morts (nota : il est vrai que dans les
années 1970, une partie de la jeune génération s’est mise à
demander des comptes à celle des pères et des grands-pères quant à
leur rôle sous le 3ème Reich, les accusant d’avoir participé au
conflit, à des actes
terribles ou à défaut d’avoir servilement obéi aux ordres
inhumains du pouvoir) et le Mur de Berlin (nota : qui avec le "Rideau
de fer" a coupé l’Allemagne en deux et séparé nombre de
membres de familles) peuvent
aussi avoir contribué à isoler
les individus dans une Allemagne fragilisée
par ces évènements.


Le mur qui séparait Berlin en deux aires hermétiques à l'arrière-plan du film fantastique Possession d'Andrzej Zulawski en 1981, et qui symbolise un matérialisme susceptible de saper les fondements des sentiments(*). On y retrouve l'acteur allemand Heinz Bennent apparu à plusieurs reprises dans la série Inspecteur Derrick.
-
Mais
est-ce que Reinecker ne laisse pas entendre, comme nombre de
criminologues contemporains, qu’on
observe
un recul croissant des valeurs morales, au nom de la recherche de
satisfactions matérielles immédiates, qu’il faut pour certains
obtenir tout immédiatement,
comme
pour ceux qui trafiquent de la drogue au risque de la vie des autres
voire de la leur, car ils ne vivent que pour l’instant, en résumé
qu’ils ne font pas que violer la loi en connaissance de cause comme
les anciens gangsters mais qu’ils en dénient les fondements même,
se situant pour reprendre la fameuse expression du philosophe
Nietzsche « au-delà du Bien et du Mal » ?
-
Je
n’établirais pas une distinction aussi nette, car
la
série montre
qu’il existe une grande variété de profils criminels différents,
certains
n'ont aucune conscience tandis
que
d’autres
éprouvent des regrets, par exemple lorsqu'ils ont été influencés
par quelqu'un – l’épisode La
sixième allumette
en fournit un exemple (nota : on peut bien sûr aussi penser à L’as
de Karo
précité). Commettre un meurtre ou tout type de crime est inhérent
à la nature humaine.
-
Est-ce qu’en définitive, le
principal sujet d’Inspecteur
Derrick
n'est pas le thème de la responsabilité morale, des
conséquences de nos actes ou même de notre indifférence ?
-
On
peut le penser,
car l’Inspecteur Derrick est parfois du genre moralisateur, quand
certains assassinats
qu’il considère perpétrés
par pur sadisme le mettent hors de lui. Mais ce
sont
les personnes qui s’évertuent
à couvrir les crimes qui l’énervent le
plus. Ainsi,
dans
l’épisode Le
lendemain du crime,
le
père à la maîtrise
absolue, joué par Alexander
Kerst,
exaspère le
policier
par
son obstination à
couvrir son fils, ce qui l’amène à lui asséner ainsi qu’à son ex-épouse qu’ils
sont
encore plus blâmables
que le meurtrier, lequel
culpabilise de son meurtre commis par jalousie amoureuse. Derrick
attend parfois que les criminels avouent, car il pressent que les
meurtriers
occasionnels éprouvent des difficultés à supporter
leur responsabilité, c’est le cas notamment dans l’épisode La
fête
(nota : dans cet épisode exemplaire, Derrick est convaincu que sous
l’emprise de l’alcool, un homme joué par Siegfried Lowitz a
tenté d’abuser puis a
étouffé
involontairement pour l’empêcher de crier sa future belle-fille,
mais il ne dispose pas de
preuve irréfutable, aussi, il va sans cesse revenir à la charge
pour le tenailler jusqu’à ce qu’il s’effondre
psychologiquement, c’est presque de la maïeutique
au sens de Socrate, un accouchement difficile mené à son terme pour
faire enfin surgir la vérité, dans un épilogue marquant dans
lequel le coupable est sur le point de mettre fin à ses jours). Le
policier créé par Herbert Reinecker s’obstine à
croire que la plupart des criminels ont une conscience.

Dans Le lendemain du crime, l'Inspecteur Derrick s'indigne que les parents du meurtrier, responsable d'un crime passionnel, fassent de faux témoignages afin de soustraire leur fils à sa juste punition.
Sous l'effet de l'alcool, un homme (Siegried Lowitz) se laisse aller à un débordement d'affection inopportun envers sa future belle-fille, une perte de maîtrise aux conséquences tragiques, dans le troisième épisode de la série Inspecteur Derrick, La fête.
-
Cette série te touche-t-elle plus personnellement que d'autres parmi
toutes celles que tu visionnes ?
-
Je ne peux pas établir
précisément de comparatif avec
Inspecteur Derrick au
vu de la centaine de séries que j’ai
déjà
regardées, mais j’éprouve
de l’affection pour elle, j’ai
plaisir à la retrouver et je ne m’en
lasserai jamais, par nostalgie ainsi que pour d’autres raisons que
j’ai évoquées dans les réponses précédentes de cet entretien.
-
Est-ce que tu n’as pas eu quelquefois dans tes évocations des
épisodes la tentation de te laisser conduire par ta propre
sensibilité voire subjectivité concernant les conclusions des
épisodes ou la nature des relations entre les protagonistes, par
exemple en décelant
parfois de l’homosexualité comme dans Bavure
? Le
lien dans cet épisode entre les deux auteurs d’escroqueries au
mariage est indéniablement fort, quasi-fusionnel, mais cela reste
au
niveau de l’implicite, ne crois-tu pas que cela pourrait demeurer
dans les limites d’une sorte de camaraderie fraternelle ? Dans Une
famille unie, pour
rester
dans le cadre de la douzième saison, j’ai bien relevé les
rapports compliqués entre le père chômeur interprété par Henry
Van Lick et sa fille cantonnée au fauteuil roulant depuis un an,
lequel passe alternativement de l’irritation devant la condition
d’Anna qui requiert son intervention fréquente à une certaine
affection, mais je n’ai jamais songé à une relation incestueuse
même lorsqu’il la sèche après qu’elle a enduré une averse,
comme le fait tout parent attentionné.
Autre exemple encore qui se
différencie de mon approche plus prudente (j’ai chroniqué un
millier de films relevant de l’imaginaire dans une Histoire du
genre en un tome qui devait initialement paraître chez Encrage, en
m’efforçant de ne baser mes analyses que sur le contenu objectif
des œuvres,
voire sur les déclarations des metteurs en scène afin de veiller à
ne pas me laisser aller à mes propres interprétations), tu laisses
fortement entendre qu’à la fin de l’épisode Lena,
la belle-sœur muette et revêche s’apprête à entamer une liaison
amoureuse avec le veuf auquel son témoignage a apporté un alibi
l’innocentant. C’est
effectivement une possibilité, mais pour ma part, j’ai simplement
perçu factuellement que l’animosité entre les deux parents
débouchait finalement sur un rapprochement ressoudant la famille,
libre à chacun d’imaginer que ces rapports puissent ultérieurement
changer de nature, ne crois-tu pas ?

Les relations ombrageuses mais non dénuées d'affection entre un père, Walter Bohl (Henry Van Lyck) et sa fille handicapée Anna (Beate Finckh).
-
Dans une série comme Inspecteur Derrick qui
dresse
des portraits d’êtres humains, chaque spectateur peut y percevoir
quelque chose de différent. Dans tous
ces exemples, ma sensibilité m’amène effectivement à interpréter
dans un sens particulier la nature des
personnages et les relations s’élaborant entre eux, car en
tant qu’être humain, je suis
effectivement aussi sujet à la subjectivité. Dans Bavure,
qui me touche particulièrement
– Hans-Georg Panczak y est sensationnel – j’y
décèle clairement de l’homosexualité
entre les deux complices et évidemment, même à l’époque, il
n’était pas évident de
montrer franchement sur le petit écran un échange de baiser entre
deux hommes sans parler de relations intimes explicites, et je doute
que la chaîne qui programmait la série aurait autorisé les auteurs
à concrétiser
de telles séquences**. Je suis assez
heureux d’ailleurs que Reinecker ait été plutôt tolérant
quant à l‘existence de différents
genres de sexualité. Dans l’épisode Lena que
j’aime également beaucoup, il s’agit là aussi de
mon ressenti
personnel et je crois que Derrick et
Klein qui assistent aux retrouvailles entre le
personnage principal et son beau-frère
innocenté et libéré ressentent
que leurs rapports débouchent vraiment sur une dimension
sentimentale, belle
et sincère (nota : l’épisode a été
détaillé ici en mars 2023).

Roland Marks (Hans-Georg Panczak) essuie une larme sur le visage de son complice Ingo Steltner (Thomas Astan) qui épluche des oignons, un geste délicat en lequel Fabrice décèle une forte ambiguïté.
-
Il peut arriver que nos interprétations tendent presque à s’opposer
: dans Mort d’un fan,
qu’on détaillera prochainement ici, tu réserves toute ta
compassion à la jeune fille assassinée, je dois concéder pour ma
part que j’ai trouvé son attitude à l’égard de son compagnon
tout à fait odieuse, et que j’ai davantage de compréhension pour
le jeune homme délibérément humilié, ainsi que pour le salarié
de la vedette ayant connu la même triste infortune précédemment et
qui a tenté de le faire disculper, sans doute par identification au
travers de l’épreuve commune, et peut-être aussi par vengeance
opportuniste à l’encontre du chanteur séducteur responsable de
leur malheur commun. Je les ai vus comme les seuls personnages
pouvant exciper d’une certaine sensibilité, voire un peu
touchants, contrastant avec la peinture sans concession du milieu du
show business et de son écosystème, avec notamment le manager
cynique, la vedette jouissant sans scrupules de sa gloire, la groupie
écervelée prenant un plaisir sadique à humilier celui qui l’aime
– on pourrait par ailleurs même ajouter le père sans état d’âme
du meurtrier, dont le mépris pour la jeune victime se trouve
cependant confortée par les agissements de celle-là. Comment
expliquer une telle différence de lecture alors que la vision du
scénariste est assez structurée et souvent signifiante ?
Pourrait-on envisager que pour Reinecker, la jeune femme soit à la
fois coupable de par son inconduite vis-à-vis de l’homme qui
l’aime et qu’elle prend un plaisir insistant à rabaisser, et en
même temps victime manipulée par le système du vedettariat qui
alimente l’hystérie du public féminin pour en tirer un bénéfice
financier assuré (on peut penser à l’époque à laquelle des
entreprises de marketing créaient artificiellement des groupes de
jeunes chanteurs destinés essentiellement à séduire des
adolescentes pour leur faire acheter en masse des disques préformatés
?)
-
Il n’y
a rien d’illogique à
avoir parfois une opinion divergente. Je
pense aussi que lorsqu’on
se reconnaît dans un
personnage, on est davantage
enclin à prendre son parti, c’est
évident.
Comme j’ai eu
l’occasion de l’indiquer précédemment,
je me sens vraiment très proche de la jeune femme de Mort
d’un fan, car je sais ce que
signifie être un
admirateur inconditionnel, ce qu’on
ressent lorsqu’on idolâtre une
célébrité au
point qu’on serait prêt à tout pour
elle et
que plus grand-chose d’autre ne compte
alors, ainsi que la
perception que l’entourage
n’est pas capable de comprendre cet engouement.
le scénariste
-
N'y a-t-il pas quelque paradoxe à ce que le scénariste ait si bien
caractérisé les protagonistes de la série, au point de faire
parfois naître l'émotion chez les personnages qui sont au premier
plan d'un épisode, quand on sait qu'accaparé par ses activités
d'écriture, il a accordé si peu de temps à sa famille que sa fille
s'en est plainte dans son autobiographie Danse
avec moi Papa ?
-
La vie privée du scénariste ne me regarde absolument pas.
Rita Reinecker a déploré dans sa biographie que son célèbre père qu'elle adorait l'ait trop délaissée pour se consacrer à sa carrière créative intense.
-
Considères-tu
que la série excipe d'une tonalité spécifique
sur la manière d'aborder les sujets, que Reinecker opte pour un
traitement, voire un angle qui lui est propre et facilement
reconnaissable ?
-
Oui, je pense qu’il
est possible de reconnaître une vraie
marque
dans son écriture, cependant,
s’il avait signé des épisodes des
séries Le renard ou Alerte cobra,
je n’aurais pas forcément été
en mesure de m’exclamer: « Oh c’est
évidemment Reinecker qui a écrit cela ! » (sourire).
-
Étant donné que la série qui s'étale sur plusieurs décennies
procède de la même équipe (scénariste, producteurs, interprètes
principaux, ainsi que des réalisateurs et seconds rôles récurrents), estimes tu
qu'il existe plusieurs périodes, des "saisons" qu'on
pourrait distinguer les unes des autres ou considères tu qu'il
existe une vraie unicité ?
-
Je pense pas qu’il y
ait eu différentes périodes, mais au
milieu des années 80, on
observe des changements récurrents au
niveau de la distribution des seconds
rôles, ce qui s’est
à un moment ressenti
sur l’intensité du programme.
Pour
ce qui concerne la version française, je
distingue deux périodes, dans les 163 premiers
épisodes, l’Inspecteur Derrick était
doublé par Michel Gatineau, puis par Jean Michaud pour
la suite, ces voix étant très différentes
l’une de l’autre.
Jean Michaud (de son vrai nom Maurice Moïse Nataf) qui a doublé l'Inspecteur Derrick après la disparition de Michel Gatineau à partir du 164ème épisode, un changement que Fabrice estime notable quant à la personnalité prêtée au policier. Il avait aussi doublé le Commandant Adama, le chef de l'Humanité en fuite dans la première version de la série Galactica.
-
Et perçois tu une évolution du scénariste au fil du temps, du
premier au dernier épisode, sur la scénarisation, c’est-à dire
la forme du récit, ou sur le fond de son inspiration (l’écrivain
suisse Thomas Sandoz qui l’a rencontré affirme que son passé a
fini par le hanter, alimentant chez l’auteur le thème de la
culpabilité) ?
-
Oui, dans les dernières saisons, il parle nettement plus de
religion, de croyance (les
épisodes mettant en scène des prêtres deviennent une récurrence),
ce qui m’a assez ennuyé,
car je ne suis pas du tout porté sur
le sujet. Il a aussi complètement
délaissé l’action, au détriment d’Horst Tappert qui, on le
sait, aurait tellement préféré tourner des scènes d’action !
(sourire).
"Quand le réalisateur crie : "Action !", c'est vite dit..." semble se plaindre Horst Tappert (photo extraite de l'épisode Un brave type).
-
Tu indiques
n'éprouver
aucun intérêt pour la religion, mais ne crois-tu pas qu'on
pourrait déceler une
certaine vision chrétienne sous-jacente dans la série, notamment
par la manière dont elle interroge les relations entre les êtres ?
-
On sait que Reinecker, dans les dernières années de la série,
pensait beaucoup à la religion, d’où l’apparition
de plus en plus fréquente
de personnages de prêtres ainsi
que de références à Dieu, On
pouvait déjà en trouver quelquefois
dans
certains épisodes des années 80 comme
la
religieuse Sœur
Hilde interprétée par Inge Meysel dans l’épisode La
main de Dieu
de la douzième saison (nota : on peut aussi penser au prêtre joué
par Horst Franck dans Un
cierge pour l’assassin,
lequel est également un temps suspecté d’être l’auteur d’un
assassinat afin de soustraire une jeune fille à une exploitation
sexuelle),
mais je
ne perçois pas une plus grande imprégnation de l’ensemble de la
série.
La Sœur Hilde (Inge Meyssel) incarne dans l'épisode La main de Dieu une bonne âme qui paraît déterminée à empêcher qu'un vil proxénète remette la main sur une de ses protégées.
-
As-tu
l'impression qu'il ait intégré des éléments de l'actualité même
à minima, ou pour toi, la série est-elle en quelque sorte
relativement intemporelle à la manière des tragédies
shakespeariennes ?
-
Même la chute du mur de Berlin n’est jamais évoquée
! Le Sida y est cependant abordé au
début des années 90 (nota : dans l'épilogue de l'épisode Appartement quatre cent seize), ce qui était relativement
audacieux.
Je
trouve que la série est assez
intemporelle, même
si naturellement la
bande-son, les
vêtements voir le langage des
personnages s’enracinent
dans l’époque du
tournage.
-
Penses-tu
qu'il y a des sujets que Reinecker n'a pas traités et pour quelle
raison – je songe
pour ma part aux différents scandales dits de la vache folle –
peut-être a-t-il considéré qu’il était trop éprouvant
d’évoquer une tragédie si terrible ?
-
Oui évidemment, et aussi à cause de son histoire personnelle. Mais
c’est Sa série, donc il parlait des thèmes qui
l’inspiraient. Je
pense également
qu’il y a d’autres sujets qu’il
aurait
voulu aborder mais qu’il n’a pas pu le faire, par manque de temps
ou à cause du refus des acteurs (nota
: on aura l’occasion de revenir sur ce point lorsque sera évoquée
la fin de la série).
-
Existe-t-il des thématiques que tu aurais aimé voir évoquées
dans la série, qu’elles soient philosophiques ou émanant de
problèmes contemporains ?
-
Étant donné que je suis très sensible à
la question des abus sexuels, j’aurais
aimé voir plus d’épisodes en
relevant, le petit
nombre d’épisodes ayant abordé le
sujet ne l’a pas toujours traité
avec beaucoup de subtilité. J’aurais
aussi apprécié de voir davantage
évoquer le thème du mal-être adolescent.
-
As-tu déjà eu l’occasion de voir d’autres programmes – séries
ou téléfilms – imaginés par Herbert Reinecker, comme la série
Der
Kommissar qui
préfigure Inspecteur
Derrick (citée dans
l’article sur la carrière de Fritz Wepper qui interprète
l’adjoint dans les deux fictions) ou les téléfilms qu’il a
écrits (évoqués dans les deux parties consacrées à la carrière
du scénariste, "L’autre
duo de Derrick"),
et si oui lesquels ?
-
Non, pas pour l’instant.
Der Kommissar, la première grande série policière allemande conçue par Herbert Reinecker, déjà en partenariat avec le producteur Helmur Ringelmann.
-
Comment expliquer que le scénariste qui, à l'instar de certains de ses collègues, a démontré une adhésion plus marquée au 3 ème Reich,
n'a pas suscité une même opprobre que l’acteur principal
(certains réalisateurs de la série ont d’ailleurs eux aussi
combattu à l'Est) - ou que l’écrivain Günther Grass ; est-ce
uniquement parce que Tappert personnifiait le visage d’une
Allemagne respectable, rentrant dans tous les foyers et à laquelle
on pouvait éventuellement s’identifier ?
-
C’est parce que, comme tu dis, ce n’est pas Hernert Reinecker
qu’on voit dans toute la série, mais Horst Tappert, c’est lui à
l’encontre duquel se déchaîna la
polémique, un
procès plutôt expéditif d’ailleurs,
d’autant qu’elle n’est
survenue que postérieurement à son
décès.
-
Comment peut-on comprendre que Reinecker, qui fut un propagandiste
zélé du 3ème Reich, n’a adhéré au parti nazi que très
tardivement, alors que la chute du régime se dessinait déjà après le
tournant de 1943 ?
-
Je ne sais pas honnêtement, je ne connais pas vraiment sa vie. On ne
peut pas remonter le temps et retourner lui demander (sourire).
-
Que dirais-tu à ceux qui ne veulent plus entendre parler de la série
en raison des informations relatives au passé de l'acteur principal
durant la période de la guerre, pouvant aller jusqu’à accuser
ceux qui l’apprécient et qui l’ont découverte bien avant ces
révélations, d’une
indifférence coupable à l’endroit des victimes de ceux qui
portaient le même uniforme honni ?
-
Je
dirais que
cet emballement me paraît excessif. Lors
de la publication de mes chroniques sur les épisodes de la série,
on m’a dit que j’étais le
soutien d’un Nazi ! Personnellement, j’adore
cet acteur et cette série, lorsque je visionne
un épisode d’Inspecteur
Derrick, je n’ai jamais à l’esprit
ces considérations relatives à ce passé auquel ne renvoie d'aucune façon le programme de la ZDF.
L'écrivain Gûnter Grass a révélé qu'il s'était engagé volontairement dans les troupes de choc de l'appareil nazi, se heurtant alors à de violentes réactions et ayant suscité des articles et publications sur le sujet, mais contrairement à la série popularisée par Horst Tappert, laquelle, depuis l'information relative à l'uniforme qu'il a été amené à porter durant la Seconde guerre mondiale, a été retirée de la télévision française aussi bien qu'allemande, l'œuvre littéraire du premier n'a pas pour autant à ce qu'on sache était bannie des librairies.
- Penses-tu que l’onde de choc du passé de l’interprète principal
ait à jamais discrédité la série en Allemagne, où comme en
France elle a été bannie de la télévision, ou crois-tu qu’elle
demeure ancrée dans la culture populaire contemporaine du pays ?
-
Inspecteur Derrick et son principal interprète
demeurent très populaires en Allemagne et aussi en France, ainsi
qu’en Italie ; il n’est
que de lire les dizaines, centaines de
commentaires sur YouTube des épisodes postés pour le constater,
moi-même j’ai mis
en ligne plus d’une trentaine
d’épisodes et presque tous les jours, des personnes me remercient
de leur donner l’occasion de revoir tel ou tel épisode.
La
base d’amateurs
est toujours très importante,
il existe
de superbes pages Facebook qui
donnent à voir les lieux de tournage, les DVD – sortis après la
polémique – et qui se vendent très bien.
-
Quelle postérité vois-tu pour la série ? Est-elle destinée à
demeurer, ou bien à rester indéfectiblement liée à son époque ?
-
Inspecteur Derrick continue d’exister grâce à
ses fans, anciens et nouveaux, comme toute série ayant
à la fois duré longtemps et qui s’est
marquée dans la culture populaire, même si son nom, hélas, restera
toujours associé à un sentiment de moquerie…
Icône de la culture populaire allemande, l'Inspecteur Derrick est mis en bonne place dans cette édition allemande du magazine populaire Mad.
-
Je crois savoir que tu n'as jusqu’à ce jour pas souhaité
visionner le dessin parodique auquel les acteurs principaux ont
cependant accepté de prêter leur voix (voir article "On
n'est jamais si bien servi que par soi-même")
; est-ce que l’admiration que tu portes visiblement à Horst
Tappert ne devrait pas te conduire à la regarder même si son
intérêt est discutable, étant donné que l’acteur y a pris part,
d’autant qu’il s’agit de sa voix originale puisque Derrick
Pficht ! n’a jamais
été diffusé hors d’Allemagne et de ce fait jamais doublé ?
-
Je trouve que cela n’a aucun intérêt, de même que jouer au jeu
vidéo de la série qui paraît tout aussi médiocre.
Pour moi, Inspecteur Derrick, c’est uniquement
la série télévisée, rien
d’autre. Si on est désireux de voir
des parodies de la série, on peut également regarder des épisodes
du dessin animé « Les Zinzins de l’espace », c’est sympathique
et pas bien méchant.
_recadr%C3%A9.jpg)
Il est fort peu probable que Fabrice ajoute un jour à ses chroniques détaillées de l'ensemble des épisodes de la série sur le site des Avengers un compte-rendu du dessin animé Derrick Pflicht ! uniquement diffusé en allemand, dont on voit ici la représentation des deux détectives auxquels la série est identifiée, avec le rôle-titre à gauche curieusement doté d'un bonnet rouge qui lui donne un petit air du célèbre Comandant Cousteau... Les curieux pourront en revanche toujours se reporter à l'évocation qui a été faite de cette adaptation à laquelle les deux acteurs ont prêté leur propre voix dans l'article d'avril 2022 (***).
-
Il avait été question d'un film avec le personnage de Derrick
confié à Thierry Lhermitte, sans doute sur un registre ironique.
Penses-tu que la série Inspecteur
Derrick est
intouchable, ou pourrais-tu à la rigueur concevoir une œuvre
s'inspirant de son esprit, et sous quelles conditions ?
-
Comme je l’ai dis plus haut, l’incarnation de Derrick, c’est
Horst Tappert, tout comme Columbo, c’est Peter Falk. Ce sont des
personnages associés à un
visage. D’ailleurs, le film avec Thierry Lhermitte a été
abandonné faute d’intérêt – Derrick n’est pas énormément
populaire en France.
L'acteur français Thierry Lhermitte en 2022, annonçant que le film qui devait s'inspirer d'Inspecteur Derrick ne se fera pas faute d'avoir pu obtenir un financement. La vedette aurait vraisemblablement prêté son air malicieux quoique parfois pince sans rire au personnage pour cette version parodique qui aurait également comporté sa complice Josiane Balasko incarnant la Chancelière allemande Merkel, pour ce qui ne se serait sans aucun doute pas apparenté à un véritable hommage.
Ce
que je pourrais accepter, ce serait un film allemand avec un acteur
ayant une certaine ressemblance physique avec Tappert, mais c’est
tout.
-
Il a été expliqué dans l’introduction de ce blog qu’il avait
été créé postérieurement à tes chroniques afin de contribuer à
défendre une série singulière souvent moquée, avec le projet
qu’il
puisse être complémentaire du travail que tu avais réalisé, au
travers de divers angles qu’on pourrait qualifier de transversaux.
Il est logique de consulter en premier le site des Avengers pour y
retrouver chacun des épisodes de la série dont tu rends compte (je
lis toujours ta chronique après avoir visionné un
épisode,
afin d’y retrouver ton analyse et ton avis). Que pourrais-tu dire
pour inciter les lecteurs à se rendre également sur Rendez-nous
Derrick.blogspot.com, afin de démontrer l’utilité de son
existence ?
-
Disons que mes chroniques des épisodes consistent principalement en
des résumés détaillés, avec un ton relativement
neutre, le plus souvent impersonnel – à
l’exception des épisodes qui m’ont vraiment touchés, alors que
ton travail sur ton blog, c’est beaucoup plus pointu, recherché,
personnel, fouillé.
-
Merci beaucoup de ces compliments, J’espère que ceux qui
s’intéressent à
la création d’Herbet Reinecker trouveront
effectivement
enrichissant de consulter les deux sites, qui s’attachent à être
le plus complet possible, chacun dans son ou ses domaines
spécifiques. Je rappelle aux
lecteurs du présent site qu’ils sont libres de commenter les
articles, dans la limite de la civilité et du caractère constructif
des remarques – il existe suffisamment de pages internet qui se
cantonnent à la facilité de l’ironie, ainsi naturellement que du
respect du cadre de la loi, l’auteur se
devant d’effacer à posteriori des
commentaires qui y contreviendraient manifestement.
Remercions
le Fan
numéro 1 d’avoir répondu aux questions du Fan
numéro 2 et espérons que cette discussion aura intéressé les
lecteurs.
-
Merci à toi pour toutes ces questions et je reste
modeste quant
à mon statut de "Fan
numéro 1"😀.
*
(*) On peut notamment lire à ce sujet ce petit article analytique :
http://creatures-imagination.blogspot.com/2016/03/lamour-monstrueux.html
(**) Il y a cependant eu 1977 le film allemand La Conséquence réalisé en 1977 par le futur réalisateur du Bateau et de L'Histoire sans fin auquel est consacré ici un long hommage :
http://creatures-imagination.blogspot.com/2022/09/nul-nest-prophete-en-son-pays.html
(***) On peut notamment lire à ce sujet ce petit article analytique :
http://rendez-nousderrick.blogspot.com/2022/04/on-nest-jamais-si-bien-servi-que-par.html
ADDENDUM : postérieurement à cet article, les épisodes en français de la série qu'un certain nombre d'internautes avaient mis en ligne ont été subitement retirés du site YouTube sans avertissement pour une raison inconnue. Cela est fort regrettable car empêchant dorénavant les lecteurs de visionner les histoires évoquées ici, sauf à acquérir la collection complète de DVD. On ne peut que regretter cette décision sauvage à l'encontre d'un programme qui n'est déjà plus diffusé à la télévision. Le présent site va finir par s'apparenter pour ceux qui le fréquentent à ces chroniques sur des films muets perdus à jamais. Espérons que ces œuvres pourront un jour être de nouveau disponibles pour le public qui souhaite les voir.