mardi 30 septembre 2025

LONGUE JOURNEE POUR DERRICK : QUAND LA TERREUR S'INVITE A LA MAISON


            Le début de l’épisode Longue journée (An einem Montagmorgen) que tout téléspectateur pourvu d’un minimum d’honnêteté devrait considérer comme palpitant est fort inhabituel : l’inspecteur Derrick introduit l’intrigue en voix off en indiquant qu’il a vécu une journée particulière et il nous présente deux personnages qu’on suit dans leur vie ordinaire. Le premier présente l’allure d’un retraité irascible, interprété par Herbert Tiede, qui roule des yeux terribles devant sa domestique en prétendant que sa paire de chaussures qu’elle vient de cirer ne brille pas assez, puis fait pratiquement un scandale chez le pharmacien en déplorant bruyamment l’effet de l’inflation sur son médicament. Ce Monsieur Bergmann va bientôt payer chèrement son caractère ombrageux. On suit ensuite brièvement une veuve, Madame Heilmann (Christine Ostermayer), qui fait les courses pour sa demeure.

        Le narrateur s’interrompt (dans la version d'origine, on voit ensuite brièvement Derrick organiser laconiquement une confrontation entre un témoin et des suspects alignés derrière une vitre) et on découvre deux hommes attablés à l’extérieur d’un café, bientôt rejoints par un troisième, lequel leur intime aussitôt de cesser de boire de l’alcool, et interdit également qu'on fume dans la voiture. Ceux-là se résignent à vider les verres en déversant leur contenu sur le sol, nous permettant de saisir que les deux acolytes sont sous la domination impérieuse de leur chef. Les trois individus prennent place rapidement dans leur voiture et entreprennent de braquer une banque. Tandis que ses complices exigent qu’on leur remette les fonds de la caisse, le meneur, Koller, joué par Wilfried Baasner, prend en otage un client. Celui-ci qui se trouve être le râleur du prologue, Monsieur Bergmann, proteste véhémentement et, parvenant à se dégager partiellement de l’étreinte, arrache la cagoule qui masque les traits de son agresseur. Celui-ci à présent à visage découvert se montre furieux et punit aussitôt l’otage qui a osé le défier en lui tirant avec une expression éloquente de fureur une balle vengeresse. L’épisode montre ainsi une scène violente assez inhabituellement explicite pour la série, avec la caméra nous faisant voir le vieil homme abattu d’une balle en plein front. Nous sommes dorénavant convaincus que le chef des malfrats est sans scrupules et même ses comparses commencent à le craindre. Le meurtrier est conscient qu’il peut à présent être identifié et il détruit la caméra de surveillance qui lui fait face, mais celle-là a naturellement eu le temps d’enregistrer son image et Derrick reconnaît à la lecture de la bande le dangereux individu qu’il avait arrêté des années auparavant.


Le chef des bandits, Koller (Wilfried Baasner), prépare un mauvais coup.

Les trois brigands s'apprêtent à passer à l'action.

En dévoilant le visage de Koller, le client de la banque cause son courroux et le paie aussitôt de sa vie.

Le cadavre du client de la banque tient encore la cagoule qu'il a enlevée à son preneur d'otage dans une impulsion de témérité fatale.



L'Inspecteur Derrick reconnait immédiatement en l'homme démasqué devant la caméra de surveillance de la banque un de ses anciens "clients".

        L’épisode Longue journée est particulièrement intense, car une course de vitesse s’amorce entre le gang et un client de la banque qui les a pris en chasse, puis une fois leur véhicule accidenté, les criminels poursuivent leur fuite à pied et pénètrent dans une demeure. Ils prennent une famille en otage, leur chef se sentant de plus en plus acculé est prêt à user de tous les moyens pour parvenir à s’échapper tandis que les enquêteurs ayant coupé les axes de circulation s’efforcent de les localiser.


Koller laisse finalement sous la menace constante de son arme Mme Heilmann aller ranger ses commissions pour ne pas que sa voiture stationnée devant la maison attitre l'attention du voisinage.

Revenue du lycée, la jeune Biggy Heilmann n'est pas longue à réaliser à quel genre d'individu elle a affaire avec le terrifiant Koller.
        À un moment, le comparse Weber (Wolf Goldan) décide d’abuser sexuellement la jeune fille revenue du lycée, Biggy (Rosvitha Schreiner), mais il se fait violemment rabrouer par Koller. Il ne faudrait cependant pas se méprendre quant à cette réaction. Ce dernier a en effet déjà menacé de se conduire de la même manière avec elle pour forcer l’obéissance de sa mère et, vers la fin, alors qu’il suspecte son frère Manuel (Jochen Horst) d’avoir parlé à la police – ce qui est bien le cas, et Derrick fait d’ailleurs courir des risques à la famille en le retenant trop longtemps – et qu’il envisage de tenter une sortie en urgence, il affirme rageusement qu’il va incessamment abattre la mère et emmener sa fille dans sa fuite pour la violer. Il faut par ailleurs noter que dans la version diffusée en France, une ellipse rend ce passage assez incompréhensible, puisque la scène dans laquelle Manuel rentre au domicile, où l’on voit Koller convenir de le laisser repartir au travail alors que son collègue l’attend devant l’entrée afin de ne pas éveiller les soupçons, en lui faisant naturellement promettre de ne rien dire aux autorités sous peine qu’il tue sa mère et sa sœur, a été coupée pour raccourcir l’épisode. En dépit de son exaspération manifeste, on ne peut exclure que le criminel mette réellement en application ce projet de porter atteinte à la vertu de la jeune fille et si Koller empêche Weber de lui faire subir le même sort, ce n’est visiblement pas au nom d’une éthique minimale, mais très probablement pour réaffirmer son autorité inébranlable – d’autant qu’il conserve une vive rancune à l’encontre de Weber pour avoir fait verser leur véhicule dans le bas-côté lors de leur tentative de semer le témoin qui les poursuivait depuis leur hold-up. Il est certain que si Koller éprouvait l’envie de s’en prendre à la jeune fille, rien ne pourrait l’en dissuader, ni les suppliques de la victime ni le désaccord de ses complices, ni bien sûr des principes moraux. Koller est ontologiquement une incarnation du « surhomme nietzschéen » qui ne reconnaît que sa propre volonté, sans restriction d’aucune sorte, et si la jeune fille est promise à être violée, ce ne peut être en premier que par le chef qui réaffirme ainsi sa prééminence incontestée sur les membres de son groupe.







L'innocence de la jeune fille de la famille paraît bien menacée par Koller, mais peut-être que celui-là ne cherche en lui enserrant l'entrejambe qu'à démontrer son emprise sur elle.


Dans la version allemande, le chef des criminels accepte que le fils Manuel (Jochen Horst) aille à son travail pour ne pas alerter son collègue qui l'attend devant la porte sur sa mobylette, tout en le menaçant avec son arme, provoquant l'effroi de sa petite sœur.

        La tension au sein du trio, dépassé par la situation tandis que la prise d’otage donne l’impression d’être presque vécue en temps réel, n’est pas sans analogies avec le téléfilm Bulletin Spécial – cité dans l’article sur l’épisode Un homme en trop – qui joue avec les apparences du direct, à ceci près que c’est cette fois la police et non la presse qu’on nous montre en parallèle en train de suivre le cours des évènements. Malgré les précautions prises par les truands pour dissimuler leur présence, l’Inspecteur Derrick finit par identifier la demeure où ils se sont cachés. La police localise en effet les fugitifs en repérant la vitre cassée d’une cave, une piste confirmée après avoir demandé aux voisins d’appeler la famille qui se trouve à son domicile et qui ne répond pas au téléphone, étant maintenue sous la coupe des criminels, paralysée par la peur.

Derrick demande aux voisins Herbach d'appeler les voisins, leur absence de réponse lui apportant confirmation que la demeure des Heilmann est sous la coupe des fugitifs.


Koller veut obliger Madame Heilmann à joindre son fils au travail, se demandant pourquoi il n'est pas rentré et soupçonnant qu'il ait trahi son engagement de ne pas entrer en contact avec la police comme montré dans la version allemande originelle.

        L’inspecteur Derrick se heurte frontalement au chef de la police locale (Nicolas Lansky) qui veut intervenir directement. Le détective lui explique qu’il cerne bien la psychologie de Koller, qui serait prêt « à tuer les otages juste pour montrer qui il est » et le supérieur auquel il a fait appel (incarné par Alf Marholm) et qui s’est rendu sur place se range de son côté, son plaidoyer pour une approche moins frontale l’ayant convaincu de « ne pas prendre de risques ». L’inspecteur principal applique ainsi son propre plan avec l’aval de sa hiérarchie, faisant diffuser à la radio de fausses informations selon lesquelles la police a déplacé ses barrages, laissant croire qu’elle pense les criminels déjà enfuis en direction de la région frontalière de l’Autriche, de manière à obtenir leur sortie et pouvoir ainsi les arrêter une fois que les otages ne seront plus en danger.


Le supérieur approuve la méthode douce de l'inspecteur, à la grande irritation du chef de la police désireux de régler de manière frontale la prise d'otage.


Lorsque Manuel reparaît enfin, il est accueilli très violemment par le chef des brigands, brutalité engendrant le malaise palpable de son complice Hassel, à l'arrière-plan.

       D’abord méfiants, les trois fugitifs décident ainsi finalement de tenter une sortie, sans s’encombrer des captifs. Lorsqu’ils sont finalement coursés par les autorités, ils font demi-tour et tentent de manière assez inattendue de revenir dans la demeure des Heilmann, Koller tapant vigoureusement sur la porte pour qu’on les fasse entrer, dans une tentative désespérée de revenir à la situation précédente, mais c’est l’inspecteur principal qui lui ouvre, semblant ainsi confirmer qu’il connaît effectivement bien la psychologie du chef des criminels. Koller doit reconnaître son échec, déclarant d’un rire amer « Derrick !  » (« Vous ! » dans la version allemande). L’inspecteur lui répond simplement « oui ! », assurant implicitement qu’il ne cessera jamais de se dresser contre le crime pour mettre hors d’état de nuire de si malfaisants individus.

Les criminels se réjouissent de pouvoir s'échapper mais ignorent qu'ils sont juste tombés dans le piège tendu par l'Inspecteur Derrick.

        Tout au long de cette prise d'otage, Wilfried Baasner est stupéfiant, il ne joue pas simplement un malfaiteur capable de tout au point de choquer ses deux complices, notamment Hassel (Robert Meyer) qui tente brièvement et vainement de le modérer, ou auparavant lorsqu’il veut lui imposer d’abattre leur poursuivant, le subordonné semblant éviter de viser délibérément la tête en dépit de l’ordre ferme de l’abattre que vocifère Koller – il a malgré tout un peu plus de succès quand il parvient à le dissuader de tuer le frère de Biggy. Il faut aussi saluer cette interprétation de Robert Meyer, l’air toujours pleutre, le front moite, qui réalise un vrai rôle de composition, car notamment dans l’épisode Le meilleur de la classe, il jouait sur un tout autre registre en interprétant de manière glaciale le trafiquant de drogue Wohlers qui conseille froidement au pharmacien victime de chantage d’éliminer ses propres complices afin que la police ne puisse boucler son enquête en faisant avouer deux toxicomanes quant aux circonstances d’un accident mortel. L’opposition entre Hassel et Koller se devine aussi lorsqu’à l’insu de ce dernier, le complice témoigne d’un geste d’humanité à l’encontre de la mère de famille terrorisée en lui proposant un peu d’alcool d’un ton attentionné – dont il avale lui-même une importante rasade, unissant un bref instant la victime et son ravisseur dans une angoisse commune, avant d’élever de nouveau la voix pour donner l’impression de complaire aux ordres de la malmener de son chef qui maintient tout le monde sous sa férule depuis la pièce voisine. Wilfried Baasner incarne littéralement cette brute malfaisante, dont la violence est encore accrue dans la version originelle complète puisque pour tout remerciement d’avoir permis aux malfaiteurs de disposer d’une radio diffusant les émissions qui font le point sur les investigations policières, Koller projette très sauvagement contre les murs le jeune Manuel au risque de le blesser. L’acteur confère une telle puissance et un tel réalisme à son détestable personnage qu'on oublierait presque que l'on visionne une fiction. Une nouvelle fois, le scénariste s’est attaché tel un chroniqueur à dresser une représentation du Mal tel qu’il se manifeste au sein de l’Humanité.

Koller fait régner une atmosphère étouffante dans la maison des Heilmann.


Hassel (Robert Meyer) n'est pas à son aise au fur et à mesure que les évènements prennent une tournure immaîtrisable.


Si Koller ne cesse de terroriser la mère et sa jeune fille, c'est le fils Manuel qui subit frontalement la brutalité du chef de gang.

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mercredi 9 juillet 2025

CHOC : UNE LECON DE MORALE IMPLACABLE


Alfred Recke (Vadim Glowna), un criminel qui s'expose à bien des épreuves dans l'épisode Choc.

     L’épisode Choc (Schock) débute par une banale tentative de vol d’une automobile luxueuse convoitée par un réseau de trafiquants. L’entreprise malhonnête est interrompue par l’irruption inopinée de son propriétaire, le Docteur Schöller (Dieter Eppler) qui prévoyait de passer la soirée à l’extérieur avec son jeune fils (Jörg Matthias Förster). Un des deux malfaiteurs, Alfred Recke (Vadim Glowna, un acteur également connu en tant que scénariste et réalisateur), totalement dépourvu de sang-froid comme on le comprend dès les premières répliques au cours desquelles son patron communiquant par téléphone l’avertissait qu’il risquait de se passer de ses services pour cette raison, abat le notable quand celui-là se met à le menacer de poursuites judiciaires.


Un voleur trop nerveux fait d'une tentative de vol un drame.

        Si le meurtrier ressort éprouvé de la séquence, ce n’est pas tant qu’il est tenaillé par son acte, à la pensée de l’existence qu’il a supprimée ou de la perte et de la tragédie que devra endurer le fils, même si son propre enfant a été privé de son père durant son ancienne incarcération, qu’en raison de sa peur d’être arrêté et de devoir retourner en prison. En dépit de l’obscurité, l’enfant, bien que tétanisé au point de s’enferrer dans un mutisme complet imputable à l’ampleur du traumatisme que ne peut que se borner à constater le Docteur Heimweg (Konrad Georg), pourrait être en mesure ultérieurement d’identifier celui qui a enlevé la vie à son seul parent – sa mère étant décédée quelques années auparavant, puisqu’il fait un signe de tête affirmatif à la question que lui a posée Derrick à ce sujet.


Un enfant qui peine à surmonter l’horreur de la mort de son père sous ses yeux, remarquablement interprété par Jörg Matthias Förster, d’autant plus touchant par son visage angélique concrétisant l’innocence foudroyée, que tente de réconforter sa belle-mère Helga Hoffmann (Christine Wodetsky) et la psychologue Renate Konrad (Johanna von Koczian), en bas, amie de Derrick. Le petit Schöller sera bientôt choqué par un nouveau drame.

Le chef des malfrats, Lussek (Dirk Galuba), est furieux de l'acte inconsidéré de son subordonné mais s'enquiert aussitôt de l'âge du témoin afin de savoir si celui-ci pourrait être en mesure de coopérer avec la police.


L’épisode Choc est particulièrement tragique mais comporte aussi deux brefs moments humoristiques. Dans le premier, les malfaiteurs Hiebler et Recke font irruption dans le bureau de leur patron par l’entrée dissimulée dans un placard, trahissant le passage secret, en suscitant l’ire de Lussek qui est en train d’être questionné par le policier Derrick, et finalement, ce dernier se dirige vers le meuble au moment de la sortie, suscitant la gêne du maître des lieux qui le refrène en lui disant que cet accès est limité à un usage privé. Plus tard, lorsque la police a ordonné à tous les employés de se rassembler autour du comptoir à fin d’identification par la compagne du Docteur Schöller, l’adjoint Klein balance sans hésiter une boule de billard sur le groupe pour les forcer à se tourner vers eux.


Madame Recke (Karin Baal) trouve que son époux rentre bien tard et se demande ce qu'il essaie de lui cacher.

        Lussek (incarné par Dirk Galuba pour la première de ses nombreuses apparitions dans la série), qui a lui aussi été incarcéré quelques années plus tôt pour des activités illicites, est également soucieux du risque que représente pour lui le principal témoin en dépit de son jeune âge, redoutant que la police parvienne à remonter jusqu'à lui en sa qualité d’organisateur du trafic de véhicules, de surcroît parce que Recke est officiellement employé dans son établissement de débit de boissons au titre de la couverture légale de ses activités. On peut d’ailleurs s’étonner que Derrick d’ordinaire si prudent ne fasse pas protéger son seul témoin, d’autant que la presse ayant publié l’adresse de la maison de la victime où demeure l’enfant avec sa belle-mère, Lussek n’a même pas à demander l’information au coupable – dans un épisode de la 17ème saison, La paix intérieure (Keine Ende in Wohlgefallen), ni l’assassin suspecté, désireux de venger sa sœur suicidée après un viol collectif, ni la prochaine victime du justicier (également jouée par Dirk Galuba) ne sont davantage surveillés par la police en dépit de ce qu’annonce l’inspecteur munichois.



Recke confie à sa femme qu'il se sent en sursis, persuadé que son geste inconsidéré va le faire retomber sous la coupe de la justice et de son administration pénitentiaire.

        À défaut de pouvoir requérir l’aide du jeune Ralf Schöller encore trop ébranlé par son expérience pour être interrogé par la police, l’Inspecteur Derrick se résout à fait appel à la compagne du défunt, Helga Hoffmann (Christine Wodetzky), pour qu’elle passe en revue l’ensemble des subordonnés de Lussek qu’il soupçonne d’être le commanditaire associé à la tragédie. Cependant, en raison de la distance qui la séparait du tueur lors de la soirée fatale, celle-là étant demeurée sur le porche, elle ne peut raisonnablement identifier le coupable lors de la confrontation organisée par la police, en dépit de l’insistance de l’enquêteur qui lui demande de regarder Recke de plus près. La fébrilité manque cependant de trahir le meurtrier, suscitant sitôt la police partie la vive colère de Lussek qui l’accuse de s’être trahi, notamment en ayant blêmi. Effectivement, l’Inspecteur Derrick a acquis la certitude que l’homme s’efforçant de dissimuler sa nervosité est bien le responsable de la mort du Docteur Schöller.


Madame Hoffmann ne peut certifier que Recke est bien le responsable du coup de feu fatal, ce qui désole l'inspecteur Derrick.


Hiebler (Jürgen Draegen), le partenaire de Recke, tient crânement tête à Derrick, pourtant il vient de prêter son concours à une abominable manigance de son patron.

Lusek reproche à Recke d'avoir laissé transparaître sa peur lors de la confrontation avec la police.

Le malfaiteur rattrapé par sa propre responsabilité

        Sentant l’étau se resserrer autour de lui, le tenancier et trafiquant de voitures a non seulement organisé un faux vol de voiture de marque BMW pendant que tous ses employés étaient convoqués, de manière à les dédouaner aux yeux des policiers de ces activités même si Derrick n’est pas dupe, mais il engage aussi un homme de main, Kerrak (Michel Jacot), prêt à appliquer sans discuter ses pires ordres, afin qu’il élimine l’enfant, demandant au complice de Recke, Hiebler (Jürgen Draegen) qu’il lui indique un raccourci pour se rendre rapidement à l’adresse des Schöller, et le tueur se met aussitôt en quête de sa victime. La cruelle ironie de l’histoire est que l’orphelin n’habite pas très loin du domicile du meurtrier et la femme d’Alfred Recke (Karin Baal) ayant poussé leur fils qui est du même âge, Heinz (Alexander Hertel), à le rencontrer afin de lui soutirer des informations quant à ce qu’il pourrait savoir de l’implication de son mari, celui-là lie connaissance avec le petit Schöller et lui propose de l’aider à réparer son vélo ; c’est à ce moment que le tueur missionné par Lussek fait irruption dans la remise attenante à la demeure du médecin tandis que les deux enfants sont un court instant séparés, et qu’il étrangle le petit Recke à la place de la cible prévue, aboutissement inévitable de ce terrible enchaînement.


Nous sommes très loin de l'armoire magique de Narnia dans Choc puisque du passage dérobé dans le meuble surgit Kerrak, un tueur sans scrupule missionné par Lussek.

Très bref moment de camaraderie entre les deux enfants qu'encadrent deux drames effroyables, un fils de bonne famille et l’enfant d’un criminel, deux innocents emportés dans un même chaos dévastateur.




Kerrak (Michel Jacot) fonce sur sa proie et étouffe le petit Heinz Recke (Alexander Hertel), une scène d'horreur qui a pu choquer les téléspectateurs allemands et peut-être susciter une réaction de politiques comme il en sera question dans un dossier qui sera prochainement mis en ligne à propos d'un acteur.

        Après avoir appris par sa femme que son fils se trouvait dans la demeure des Schöller, Alfred Recke part le rechercher, craignant que sa présence y paraisse suspecte. Le malfaiteur ne semble cependant pas préoccupé par l’affirmation pourtant lourde de conséquences de Lussek selon laquelle son acolyte n’a « plus rien à craindre », songeant sans doute simplement à l’échec de son identification lors de la confrontation avec Madame Hoffmann. Appelé sur les lieux du drame, l’inspecteur Derrick annonce à Recke, qui a aussitôt reconnu le vélo de son fils, la mort d’un enfant que le malfrat découvre être le sien et que le policier devine avoir été assassiné par erreur. Recke est dévasté, les seules valeurs auxquelles il adhérait étaient son attachement à sa famille. Alors que le fils de sa victime vient à sa rencontre et le fixe du regard, le malfaiteur brisé lui dit qu’il peut l’identifier à présent, avouant ainsi publiquement être le responsable de la mort de son père.


Alfred Recke découvre à son tour la douleur que représente la perte d'un proche, bientôt rejoint par le fils de sa victime qui le dévisage intensément.

        Alfred Recke n’a plus de raison de ne pas coopérer avec la police et, aspirant à ce que l’assassinat de son enfant ne demeure pas impuni, indique le repaire où son employeur organise le maquillage des voitures volées. Au cours des échanges nourris de coups de feu entre policiers et truands qui s’ensuivent, le repenti quitte précipitamment la voiture de l’inspecteur où celui-là lui avait demandé de demeurer, gagne les entrepôts et s’interpose devant Lussek juste au moment crucial pour protéger Derrick, prenant une balle fatale à sa place.



Derrick assiste Recke dans ses ultimes instants.

        Choc démontre de manière implacable comment la criminalité peut aboutir à une épouvantable spirale. Lussek craignait de retourner en prison pour le trafic de voitures volées, alors même qu’il n’était pas directement responsable du meurtre du Docteur Schöller commis par un de ses comparses. Au lieu de demander au coupable vertement réprimandé d’assumer son acte en se dénonçant, d’autant que celui-là lui avait promis que s’il était appréhendé, il ne révélerait pas son implication dans l’affaire, Lussek n’a pas hésité pour éviter d’être arrêté à commanditer froidement l’assassinat du petit garçon susceptible de l’amener en prison, puis il a tenté d’abattre un policier pour échapper à son arrestation, ce qui a abouti à un homicide involontaire sur son comparse. Il endurera donc une condamnation bien plus sévère que celle qu’il encourrait en tant que simple chef d’un réseau de voleurs de voitures. Quant à Recke, sa participation à cette activité malhonnête ayant abouti à son acte irréfléchi qui a fait de lui un meurtrier, elle s’est traduite par une descente aux Enfers, d’abord la crainte d’être arrêté, puis sa tétanisation de peur d’être identifié lors de la confrontation (épreuve que sa femme estime n’être « pas cher payé » si les choses devaient en rester là), la découverte de l’assassinat de son jeune fils, puis enfin la perte de sa propre vie. Choc n’est d’ailleurs pas le seul épisode dépeignant un aussi terrible engrenage, même chez des êtres qui n’étaient pas prédestinés à devenir des criminels, comme on le verra à propos des épisodes Un triste dimanche et Le meilleur de la classe.

Pour avoir voulu dissimuler à tout prix ses affaires illicites, Lussek a tout perdu et il se passera vraisemblablement un temps très long avant que ce grand fauve puisse de nouveau humer l'air frais à l'extérieur.

       Dans un dernier souffle, Alfred Racke mourant implore l’Inspecteur de transmettre son message :« Vous direz à ma femme que je vous ai sauvé la peau », concrétisant ainsi sa rédemption in extremis. Le malfaiteur réalise très tardivement, une fois qu’il a éprouvé à son tour les méfaits du Mal auquel il a pris part, qu’il s’était placé du mauvais côté et, après avoir ôté une vie humaine, offre la sienne pour sauver celle d’un homme attaché à établir la justice.


Alfred Recke s'est rangé du côté de la justice à la toute fin de sa vie après avoir subi lui-même les ravages du Mal.

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