samedi 29 novembre 2025

VISAGES DE LA SERIE INSPECTEUR DERRICK

      Introduction à la galerie d’acteurs épisodiques de premier plan


L'inspecteur Derrick et son adjoint Klein attendent de pied ferme une belle galerie de suspects et de personnalités singulières.

            Dans l’article « De brillants seconds rôles » de septembre 2022 a été évoquée la part cruciale qu’apportent les interprètes ponctuels à la série Inspecteur Derrick en complément des intrigues ciselées par l’unique scénariste Herbert Reinecker, contribuant à en faire une création singulière. Le public a principalement mémorisé le visage des deux protagonistes principaux qui mènent l’enquête du premier au dernier des 281 épisodes dans les rôles de l’inspecteur principal Stefan Derrick joué par Horst Tappert et de son adjoint Harry Klein interprété par Fritz Wepper (on peut lire un aperçu biographique dans les articles respectifs de mai 2021 et juin 2021). Les histoires ne seraient cependant pas aussi marquantes sans l’épaisseur qu’apportent à l’occasion d’un épisode à leur personnage des acteurs talentueux, composant les "visages" de la série Inspecteur Derrick.

Trois acteurs occasionnels de la série Inspecteur Derrick : debout, de gauche à droite, Christian Kohlund, Peter Dirschauer, dans le rôle principal du malade ignorant qu'il est  promis à une mort très proche et qui décide finalement d'aller mourir en Ecosse, ainsi que Peter Fricke, dans le film de 1982 Das heiße Herz qui interroge sur la réalité des sentiments des proches. Au premier plan, l'acteur Michael Habeck qui dans le film Le nom de la rose (The Name of the Rose) de Jean-Jacques Annaud interprète le moine homosexuel Béranger d'Arundel.

Une scène du même film avec Peter Dirschauer dans le rôle du patient Lachlen McLachlen que la sœur Margaret (Dagmar Mettler) s'efforce de réconforter ; à l'arrière-plan, dans le lit voisin, on reconnaît Peter Fricke dans le rôle de Yann.

            Des centaines d’acteurs pour le moins (probablement environ 800 au total) ont pris part à la série, dont certains ayant eu l’occasion de figurer à plusieurs reprises des personnages notables, et on prend plaisir à les retrouver au fil des épisodes, ceci contribuant à faire naître une certaine familiarité pour ceux qui ont suivi régulièrement Inspecteur Derrick à la télévision ou sur internet avant que la chaîne allemande ZDF n'y fasse supprimer sans avertissement les épisodes traduits en français et en italien que divers internautes avaient mis presque intégralement en ligne à défaut qu’on pût encore les voir ailleurs.


Dans Ça s'est passé en plein jour, un film de 1958, un suspect (Michel Simon) est interrogé par deux policiers, le détective Feller joué par Sigfrit Steiner (au centre) et le sous-lieutenant Henzi interprété par Siegfried Lowitz, qui incarneront des criminels mémorables dans la série Inspecteur Derrick, respectivement dans les épisodes Sacrifice inutile et La fête.

          Si certains de ces interprètes ne font qu’un unique passage dans la série, comme Franz Boehm, incarnant l’acteur déclassé hanté par l’aspiration à un retour en grâce dans Le rôle de sa vie, détaillé ici en mai 2025, Vadim Glowna dans Choc, composant un criminel amené à payer chèrement son engagement du mauvais côté de la barrière comme relaté en juillet 2025, ou encore Udo Samel en célibataire assez touchant dans La Véritéun épisode dont on reparlera, d’autres reviennent ainsi au travers de nouveaux rôles, parfois plus anecdotiques comme pour Peter Dirschauer qui n’est jamais aussi brillant que dans Mystère en tant que professeur tourmenté par un cas de conscience ou Tommy Piper en chanteur hâbleur piégé par sa propre popularité dans Mort d’un fan.

Bien qu'Erich Halluber (à gauche) et Franz Boehm aient en 1986 dans l'épisode Le rôle de sa vie (voir article précédent) d'Inspecteur Derrick une scène en commun, ils n'apparaissent jamais réellement ensemble à l'écran en raison de l'alternance entre champ et contre-champ, contrairement à l'épisode Schicki Micki de la série Tatort l'année précédente (ci-dessus). La participation d'Erich Halluber dans le rôle du producteur du Rôle de sa vie impressionne moins que son personnage d'ange exterminateur dans Un homme en trop (voir article de septembre 2023), tandis que Franz Boehm capte lui aussi le regard pour sa participation centrale et unique dans la série de ce même épisode, Le rôle de sa vie.

L'acteur Thomas Fritsch et Evelyn Opela reviennent à plusieurs reprises dans la série mais chacun brille particulièrement dans un rôle, le premier dans l'épisode Le diplomate dans lequel il incarne un étudiant qui braque son voisin âgé convoyeur de fond et, identifié par celui-là, le tue pour ne pas qu'il le dénonce, amenant une confrontation intense avec l'Inspecteur Derrick, et la deuxième comme mère éplorée poignante dans Judith.

        Il ne saurait être ici question de dresser un portrait de chacun d’eux, sauf à avoir vocation à constituer une somme encyclopédique, mais certains paraissent plus particulièrement mériter d’être mis à l’honneur. Une telle sélection ne peut naturellement pas être totalement exempte d’une part de subjectivité. La qualité des acteurs n’est pas en cause, ils font exactement ce qu’on attend d’eux et l’exigence est d’autant plus forte qu’à la différence des deux enquêteurs dont la fonction principale est de servir le fil narratif de l’intrigue, ils doivent réellement donner vie à des personnages fictifs, concrétisant les enjeux mettant en cause leur existence, et ceux-là sont très souvent au centre même de l’épisode, en représentant le pivot jusqu’à l’attente de la conclusion parfois saisissante. Aussi, on se concentrera principalement, non sur ceux qui ont simplement rempli leur office en servant parfaitement leurs rôles, mais sur un échantillon plus particulièrement remarquable de certains d’entre eux réalisant une osmose absolue entre les créations de Reinecker et leurs qualités interprétatives, qui ont su si bien conférer à leurs personnages une force toute particulière, les imposer en les faisant exister avec tant de vérité qu’ils transcendent le récit au point parfois de continuer à imprégner durablement notre mémoire de téléspectateurs au-delà de la vision de l’épisode.




Un certain nombre d'acteurs de la série Inspecteur Derrick sont typés, on pourrait même dire sans vouloir être désobligeant qu'ils ont "une gueule" qui ne peut passer inaperçue que de téléspectateurs distraits ; en haut, Karl Renar, au centre Traugott Buhre et ci-dessus Uli Krohm.


D'autres acteurs récurrents au physique assez singulier en haut, Thomas Holtzmann qui interprète notamment le biologiste Gessler prêt à vendre un procédé scientifique à des acquéreurs inquiétants, mais qui marque encore plus la mémoire dans le rôle du Professeur Oswald Stein dans Actes d'amour qui au nom de la pureté qu'il prête à l'étudiante qu'il loge finit par tuer son petit ami qu'il juge indigne d'elle, et Volker Lechtenbrink, acteur et chanteur, qui incarne notamment Ralf dans L'aveu, qui a assassiné son oncle dont il ne supportait plus l'arrogance et le mépris, mais là encore, on se souvient probablement davantage de sa composition en patron acculé réduit aux pires extrémités dans Réception pour un assassin qu'on détaillera ultérieurement.


Gerd Baltus et Klaus Herm interprètent fréquemment des personnages ordinaires, plutôt pleutres et n'étant pas à l'abri de la corruption, ni de grands criminels ni des êtres exemplaires, contribuant à donner un ton réaliste à la série. 


Très peu d'acteurs ont conservé leur rôle d'un épisode à l'autre, c'est le cas pour deux adjoints au début de la série, Gerhard Borman jouant Echterding (entre Derrick et Klein), dont le rôle a été supprimé et Günter Schöll incarnant Schröder, décédé d'un arrêt cardiaque, amenant par substitution le recrutement durable de Willy Schaaf comme collaborateur sous le nom de Berger.



Comme Willy Schaaf précité qui avait joué un témoin (voir article de juillet 2021) avant de revenir dans la série en tant qu'adjoint du commissariat, Marion Kracht a d'abord interprété des rôles différents dans quatre épisodes, le premier en tant que fille d'un avocat enlevée pour obtenir la libération d'un criminel dans Nuit blanche, une brève apparition dans le deuxième en tant que riche héritière assassinée dans Carmen (photo du haut), puis la fiancée d'un trafiquant de drogue dans Vengeance, avant d'intégrer elle aussi l'équipe sous l'identité de la psychologue Sophie Lauer, dont Derrick finit par se rapprocher comme évoqué dans l'article de septembre 2021.
     Ces acteurs d'excellence se sont fréquemment appliqués dans la série imaginée par Herbert Reinecker à incarner un type particulier de personnages qu’ils déclinent d’un épisode à l’autre, comme évoqué en septembre 2022 dans l'article précité « De brillants seconds rôles », et c’est sous cet angle qu’en complément de la mise en valeur d’épisodes de tout premier ordre ainsi que de sujets thématiques seront proposés un certain nombre de portraits de ces acteurs occasionnels de la série Inspecteur Derrick sans lesquels celle-là ne serait pas autant évocatrice des réalités humaines, confinant fréquemment à l’interrogation sur la condition de l’homme moderne et la place que la morale peut encore occuper dans la société contemporaine.

     Naturellement, ces articles n’auront nullement vocation à être exhaustifs relativement à la longue carrière d’interprètes s’étant principalement déroulée en Allemagne, et très souvent davantage au théâtre ainsi que dans le domaine du doublage destiné aux spectateurs germanophones ; ils devraient en tout cas permettre au lecteur de pouvoir mieux identifier des visages reconnaissables de la série, mais dont les spectateurs français ignorent les noms.

      Les lecteurs sont donc invités à redécouvrir au fil de prochains articles ces figures mémorables dont la série est indissociable, et il faut souhaiter qu'ils éprouvent un même intérêt que pour les autres aperçus à faire connaissance avec ces figures de la culture allemande contemporaine.

Deux acteurs récurrents d'Inspecteur Derrick sur une scène de théâtre, Wilfried Bassner et Susan Uhlen en 1993 au théâtre de la Renaissance à Berlin dans la pièce tragi-comique sur le monde de l'entreprise, Geld anderer Leute ("l'argent des autres"), écrite en 1989 par Jerry Sterner, laquelle avait donné lieu deux ans plus tôt au film Larry le liquidateur (Other People's Money) par le réalisateur américain Noman Jewison avec Gregory Peck, Danny DeVito et Penelope Ann Miller dans les rôles principaux.

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mardi 30 septembre 2025

LONGUE JOURNEE POUR DERRICK : QUAND LA TERREUR S'INVITE A LA MAISON


            Le début de l’épisode Longue journée (An einem Montagmorgen) que tout téléspectateur pourvu d’un minimum d’honnêteté devrait considérer comme palpitant est fort inhabituel : l’inspecteur Derrick introduit l’intrigue en voix off en indiquant qu’il a vécu une journée particulière et il nous présente deux personnages qu’on suit dans leur vie ordinaire. Le premier présente l’allure d’un retraité irascible, interprété par Herbert Tiede, qui roule des yeux terribles devant sa domestique en prétendant que sa paire de chaussures qu’elle vient de cirer ne brille pas assez, puis fait pratiquement un scandale chez le pharmacien en déplorant bruyamment l’effet de l’inflation sur son médicament. Ce Monsieur Bergmann va bientôt payer chèrement son caractère ombrageux. On suit ensuite brièvement une veuve, Madame Heilmann (Christine Ostermayer), qui fait les courses pour sa demeure.

        Le narrateur s’interrompt (dans la version d'origine, on voit ensuite brièvement Derrick organiser laconiquement une confrontation entre un témoin et des suspects alignés derrière une vitre) et on découvre deux hommes attablés à l’extérieur d’un café, bientôt rejoints par un troisième, lequel leur intime aussitôt de cesser de boire de l’alcool, et interdit également qu'on fume dans la voiture. Ceux-là se résignent à vider les verres en déversant leur contenu sur le sol, nous permettant de saisir que les deux acolytes sont sous la domination impérieuse de leur chef. Les trois individus prennent place rapidement dans leur voiture et entreprennent de braquer une banque. Tandis que ses complices exigent qu’on leur remette les fonds de la caisse, le meneur, Koller, joué par Wilfried Baasner, prend en otage un client. Celui-ci qui se trouve être le râleur du prologue, Monsieur Bergmann, proteste véhémentement et, parvenant à se dégager partiellement de l’étreinte, arrache la cagoule qui masque les traits de son agresseur. Celui-ci à présent à visage découvert se montre furieux et punit aussitôt l’otage qui a osé le défier en lui tirant avec une expression éloquente de fureur une balle vengeresse. L’épisode montre ainsi une scène violente assez inhabituellement explicite pour la série, avec la caméra nous faisant voir le vieil homme abattu d’une balle en plein front. Nous sommes dorénavant convaincus que le chef des malfrats est sans scrupules et même ses comparses commencent à le craindre. Le meurtrier est conscient qu’il peut à présent être identifié et il détruit la caméra de surveillance qui lui fait face, mais celle-là a naturellement eu le temps d’enregistrer son image et Derrick reconnaît à la lecture de la bande le dangereux individu qu’il avait arrêté des années auparavant.


Le chef des bandits, Koller (Wilfried Baasner), prépare un mauvais coup.

Les trois brigands s'apprêtent à passer à l'action.

En dévoilant le visage de Koller, le client de la banque cause son courroux et le paie aussitôt de sa vie.

Le cadavre du client de la banque tient encore la cagoule qu'il a enlevée à son preneur d'otage dans une impulsion de témérité fatale.



L'Inspecteur Derrick reconnait immédiatement en l'homme démasqué devant la caméra de surveillance de la banque un de ses anciens "clients".

        L’épisode Longue journée est particulièrement intense, car une course de vitesse s’amorce entre le gang et un client de la banque qui les a pris en chasse, puis une fois leur véhicule accidenté, les criminels poursuivent leur fuite à pied et pénètrent dans une demeure. Ils prennent une famille en otage, leur chef se sentant de plus en plus acculé est prêt à user de tous les moyens pour parvenir à s’échapper tandis que les enquêteurs ayant coupé les axes de circulation s’efforcent de les localiser.


Koller laisse finalement sous la menace constante de son arme Mme Heilmann aller ranger ses commissions pour ne pas que sa voiture stationnée devant la maison attitre l'attention du voisinage.

Revenue du lycée, la jeune Biggy Heilmann n'est pas longue à réaliser à quel genre d'individu elle a affaire avec le terrifiant Koller.
        À un moment, le comparse Weber (Wolf Goldan) décide d’abuser sexuellement la jeune fille revenue du lycée, Biggy (Rosvitha Schreiner), mais il se fait violemment rabrouer par Koller. Il ne faudrait cependant pas se méprendre quant à cette réaction. Ce dernier a en effet déjà menacé de se conduire de la même manière avec elle pour forcer l’obéissance de sa mère et, vers la fin, alors qu’il suspecte son frère Manuel (Jochen Horst) d’avoir parlé à la police – ce qui est bien le cas, et Derrick fait d’ailleurs courir des risques à la famille en le retenant trop longtemps – et qu’il envisage de tenter une sortie en urgence, il affirme rageusement qu’il va incessamment abattre la mère et emmener sa fille dans sa fuite pour la violer. Il faut par ailleurs noter que dans la version diffusée en France, une ellipse rend ce passage assez incompréhensible, puisque la scène dans laquelle Manuel rentre au domicile, où l’on voit Koller convenir de le laisser repartir au travail alors que son collègue l’attend devant l’entrée afin de ne pas éveiller les soupçons, en lui faisant naturellement promettre de ne rien dire aux autorités sous peine qu’il tue sa mère et sa sœur, a été coupée pour raccourcir l’épisode. En dépit de son exaspération manifeste, on ne peut exclure que le criminel mette réellement en application ce projet de porter atteinte à la vertu de la jeune fille et si Koller empêche Weber de lui faire subir le même sort, ce n’est visiblement pas au nom d’une éthique minimale, mais très probablement pour réaffirmer son autorité inébranlable – d’autant qu’il conserve une vive rancune à l’encontre de Weber pour avoir fait verser leur véhicule dans le bas-côté lors de leur tentative de semer le témoin qui les poursuivait depuis leur hold-up. Il est certain que si Koller éprouvait l’envie de s’en prendre à la jeune fille, rien ne pourrait l’en dissuader, ni les suppliques de la victime ni le désaccord de ses complices, ni bien sûr des principes moraux. Koller est ontologiquement une incarnation du « surhomme nietzschéen » qui ne reconnaît que sa propre volonté, sans restriction d’aucune sorte, et si la jeune fille est promise à être violée, ce ne peut être en premier que par le chef qui réaffirme ainsi sa prééminence incontestée sur les membres de son groupe.







L'innocence de la jeune fille de la famille paraît bien menacée par Koller, mais peut-être que celui-là ne cherche en lui enserrant l'entrejambe qu'à démontrer son emprise sur elle.


Dans la version allemande, le chef des criminels accepte que le fils Manuel (Jochen Horst) aille à son travail pour ne pas alerter son collègue qui l'attend devant la porte sur sa mobylette, tout en le menaçant avec son arme, provoquant l'effroi de sa petite sœur.

        La tension au sein du trio, dépassé par la situation tandis que la prise d’otage donne l’impression d’être presque vécue en temps réel, n’est pas sans analogies avec le téléfilm Bulletin Spécial – cité dans l’article sur l’épisode Un homme en trop – qui joue avec les apparences du direct, à ceci près que c’est cette fois la police et non la presse qu’on nous montre en parallèle en train de suivre le cours des évènements. Malgré les précautions prises par les truands pour dissimuler leur présence, l’Inspecteur Derrick finit par identifier la demeure où ils se sont cachés. La police localise en effet les fugitifs en repérant la vitre cassée d’une cave, une piste confirmée après avoir demandé aux voisins d’appeler la famille qui se trouve à son domicile et qui ne répond pas au téléphone, étant maintenue sous la coupe des criminels, paralysée par la peur.

Derrick demande aux voisins Herbach d'appeler les voisins, leur absence de réponse lui apportant confirmation que la demeure des Heilmann est sous la coupe des fugitifs.


Koller veut obliger Madame Heilmann à joindre son fils au travail, se demandant pourquoi il n'est pas rentré et soupçonnant qu'il ait trahi son engagement de ne pas entrer en contact avec la police comme montré dans la version allemande originelle.

        L’inspecteur Derrick se heurte frontalement au chef de la police locale (Nicolas Lansky) qui veut intervenir directement. Le détective lui explique qu’il cerne bien la psychologie de Koller, qui serait prêt « à tuer les otages juste pour montrer qui il est » et le supérieur auquel il a fait appel (incarné par Alf Marholm) et qui s’est rendu sur place se range de son côté, son plaidoyer pour une approche moins frontale l’ayant convaincu de « ne pas prendre de risques ». L’inspecteur principal applique ainsi son propre plan avec l’aval de sa hiérarchie, faisant diffuser à la radio de fausses informations selon lesquelles la police a déplacé ses barrages, laissant croire qu’elle pense les criminels déjà enfuis en direction de la région frontalière de l’Autriche, de manière à obtenir leur sortie et pouvoir ainsi les arrêter une fois que les otages ne seront plus en danger.


Le supérieur approuve la méthode douce de l'inspecteur, à la grande irritation du chef de la police désireux de régler de manière frontale la prise d'otage.


Lorsque Manuel reparaît enfin, il est accueilli très violemment par le chef des brigands, brutalité engendrant le malaise palpable de son complice Hassel, à l'arrière-plan.

       D’abord méfiants, les trois fugitifs décident ainsi finalement de tenter une sortie, sans s’encombrer des captifs. Lorsqu’ils sont finalement coursés par les autorités, ils font demi-tour et tentent de manière assez inattendue de revenir dans la demeure des Heilmann, Koller tapant vigoureusement sur la porte pour qu’on les fasse entrer, dans une tentative désespérée de revenir à la situation précédente, mais c’est l’inspecteur principal qui lui ouvre, semblant ainsi confirmer qu’il connaît effectivement bien la psychologie du chef des criminels. Koller doit reconnaître son échec, déclarant d’un rire amer « Derrick !  » (« Vous ! » dans la version allemande). L’inspecteur lui répond simplement « oui ! », assurant implicitement qu’il ne cessera jamais de se dresser contre le crime pour mettre hors d’état de nuire de si malfaisants individus.

Les criminels se réjouissent de pouvoir s'échapper mais ignorent qu'ils sont juste tombés dans le piège tendu par l'Inspecteur Derrick.

        Tout au long de cette prise d'otage, Wilfried Baasner est stupéfiant, il ne joue pas simplement un malfaiteur capable de tout au point de choquer ses deux complices, notamment Hassel (Robert Meyer) qui tente brièvement et vainement de le modérer, ou auparavant lorsqu’il veut lui imposer d’abattre leur poursuivant, le subordonné semblant éviter de viser délibérément la tête en dépit de l’ordre ferme de l’abattre que vocifère Koller – il a malgré tout un peu plus de succès quand il parvient à le dissuader de tuer le frère de Biggy. Il faut aussi saluer cette interprétation de Robert Meyer, l’air toujours pleutre, le front moite, qui réalise un vrai rôle de composition, car notamment dans l’épisode Le meilleur de la classe, il jouait sur un tout autre registre en interprétant de manière glaciale le trafiquant de drogue Wohlers qui conseille froidement au pharmacien victime de chantage d’éliminer ses propres complices afin que la police ne puisse boucler son enquête en faisant avouer deux toxicomanes quant aux circonstances d’un accident mortel. L’opposition entre Hassel et Koller se devine aussi lorsqu’à l’insu de ce dernier, le complice témoigne d’un geste d’humanité à l’encontre de la mère de famille terrorisée en lui proposant un peu d’alcool d’un ton attentionné – dont il avale lui-même une importante rasade, unissant un bref instant la victime et son ravisseur dans une angoisse commune, avant d’élever de nouveau la voix pour donner l’impression de complaire aux ordres de la malmener de son chef qui maintient tout le monde sous sa férule depuis la pièce voisine. Wilfried Baasner incarne littéralement cette brute malfaisante, dont la violence est encore accrue dans la version originelle complète puisque pour tout remerciement d’avoir permis aux malfaiteurs de disposer d’une radio diffusant les émissions qui font le point sur les investigations policières, Koller projette très sauvagement contre les murs le jeune Manuel au risque de le blesser. L’acteur confère une telle puissance et un tel réalisme à son détestable personnage qu'on oublierait presque que l'on visionne une fiction. Une nouvelle fois, le scénariste s’est attaché tel un chroniqueur à dresser une représentation du Mal tel qu’il se manifeste au sein de l’Humanité.

Koller fait régner une atmosphère étouffante dans la maison des Heilmann.


Hassel (Robert Meyer) n'est pas à son aise au fur et à mesure que les évènements prennent une tournure immaîtrisable.


Si Koller ne cesse de terroriser la mère et sa jeune fille, c'est le fils Manuel qui subit frontalement la brutalité du chef de gang.

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