mardi 15 juin 2021

HARRY, LE FAIRE-VALOIR


L’acteur Fritz Wepper a incarné l’assistant de l’inspecteur Derrick, Harry Klein, tout au long des différentes saisons de la série conçue par Herbert Reinecker. Dans la plupart des épisodes, l’Inspecteur Derrick est de manière manifeste celui qui mène l’enquête, dont les soupçons ou les intuitions se trouvent la plupart du temps confirmées et son assistant semble n’être là que pour lui donner la repartie, voire simplement assentir ou par son tempérament plus circonspect mettre d’autant plus en évidence par contraste la brillante capacité de raisonnement de son supérieur. Cette réputation supposée de terne subalterne a même engendré une phrase imaginaire censée être récurrente dans la série, bien que jamais prononcée : "Harry, va chercher la voiture !"

"Voilà ce que je crois, Harry ! Alors, qu'en penses-tu ? Oui, tu sais que j'ai raison, bien sûr !"

    En réalité, cette vision, caricaturée dans le dessin animé parodique Derrick die pflicht ruft, est légèrement exagérée. Il arrive que les rôles soient plus partagés, que l'adjoint titille un peu son supérieur, exprime une divergence voire même prenne l'initiative, comme lorsque dans Une affaire étrange, c’est l’adjoint qui décide de pousser le portillon et de pénétrer dans une propriété privée en y entraînant son supérieur réticent afin d'apercevoir de l'extérieur une soirée festive réunissant un couple et l’amant dans une relation très particulière qui va éclairer les policiers sur les circonstances du meurtre sur lequel ils enquêtent. Plus anecdotiquement, Derrick en est réduit à ramasser les quilles pendant que ses collègues jouent au bowling, ce qu'il juge fort irritant, dans l'épisode Le mystère.

L'adjoint entraîne son supérieur hésitant dans la propriété d'Une affaire étrange.


Excédé d'être aux ordres de ses collègues au premier rang desquels Harry Klein, Derrick regimbe à remettre en place les quilles et finira par les renverser délibérément avec le pied dans l'épisode Le mystère.

    L’adjoint est même parfois au premier plan lorsqu’il infiltre un milieu fermé. Dans Pension de famille, il loue une chambre incognito afin de découvrir le coupable qui a tenté d’assassiner la jeune pensionnaire (Helga Anders) avec des chocolats empoisonnés et on nous laisse entendre qu’il s’implique tant dans l’enquête qu’à l’instar des autres locataires masculins, il va jusqu’à s’adonner à son tour à un rapport sexuel avec la jeune fille fort peu farouche qui suscite la jalousie criminelle des deux femmes, lesquelles se démasqueront en refusant de boire le cognac censé provenir des dits chocolats. De même, dans Un petit coin tranquille, c’est principalement Harry Klein qui enquête dans la pension de famille dont la directrice a été victime d’un thé empoisonné à l’acide prussique, tandis que Derrick resté à son bureau de Munich centralise les informations, réfléchissant sur le profil des suspects. Plus étonnamment, lorsque dans le dénouement, l’inspecteur principal accule le meurtrier menaçant, le fils de la responsable appelée à succéder à la défunte dont il voulait précipiter l’héritage, et que celui-là finit par se suicider avec son revolver, son adjoint lui reproche très vertement son attitude en l’accusant d’être « devenu fou », l’estimant responsable de sa mort pour ne pas lui avoir laissé d’échappatoire, dans une brutale inversion des rapports hiérarchiques, une mise en cause à laquelle le supérieur ne répondra pas.        

Harry Klein furieux contre son chef dans le dénouement d'Un petit coin tranquille : "Tu es devenu fou ou quoi ?"

     Il est vrai qu'Harry Klein est encore moins un foudre de guerre que son supérieur, plus aguerri et sans doute plus désabusé. Dans l'épisode Alertele second de Derrick est bouleversé d'apprendre que le malfaiteur qui a succombé à son tir n'est pas celui qui a abattu un employé lors du cambriolage commis avec ses complices. Bien qu'il n'a fait que se défendre lors de la tentative d'arrestation, il ne parvient pas à se consoler d'avoir ôté la vie à un homme qui n'était pas lui-même un meurtrier. Les évènements prennent un tour plus encore éprouvant lorsqu'il s'avère que la jeune femme qui a soigné ses blessures, Doris (Jutta Spiedel), n'est autre que la sœur du criminel qu'il avait mortellement atteint et chez laquelle celui-là avait cherché du secours - le titre originel, Die Schwester ("la sœur") est plus explicite quant la révélation sur laquelle repose l'histoire. La culpabilité que ressent Harry est encore accrue par ses liens naissants avec la jeune fille et sa fillette. L'affection entre le policier et Doris semble mutuelle bien que les sentiments de cette dernière soient nécessairement mélangés, mais cette relation potentielle semble par nature impossible, comme l'illustre l'épilogue dans lequel la jeune femme renonce à décrocher le téléphone.

En dépit de sa blessure infligée par un cambrioleur, Harry n'est pas à l'aise d'apprendre qu'il a causé la mort de celui-là, à fortiori lorsque la balistique informe que ce n'est pas l'arme du défunt qui a abattu un vigile lors d'une effraction.

Complicité naissante mais vaine entre Harry et Doris, un ami parfait mais qui n'en demeure pas moins celui qui a enlevé la vie à son frère. 

    Il arrive aussi que l'adjoint supplée son supérieur empêché. Dans Attentat contre Derrick, l'inspecteur principal, que des criminels avaient déjà tenté de compromettre en commettant un accident mortel avec sa voiture dans Un piège pour Derrick, connait sa première tentative d'assassinat, à la suite de laquelle il est plongé quelque temps dans le coma et il demeure alité durant tout l'épisode tandis qu'Harry Klein enquête sur l'auteur du crime qui a promis à sa maitresse de punir le policier ayant fait arrêter son mari. Dans l'épisode suivant, Le tueur de la nuit, Derrick se plie de mauvaise grâce aux injonctions médicales de respecter une période de convalescence, mais s'ennuie dans le sanatorium avant d'accepter de laisser à Harry "son" enquête sur un tueur de femmes - lequel sera finalement trahi par le massacre de sa propre chatte révélateur de sa brutalité. 

    Né le 17 août 1941, Fritz Wepper n’a guère connu son père, Friedrich Karl Wepper, un juriste, qui a perdu la vie au cours de l’hiver 1945 alors qu’on l’avait envoyé se battre en Pologne au sein de la 25 ème unité blindée de l’armée régulière. Dès l’âge de 11 ans, il participe avec son petit frère Elmar à une adaptation de Peter Pan, puis obtient en 1956 un rôle assez important dans une adaptation d’une fable des frères Grimm, Petite-table-soit-mise aussi connue sous le titre de Gourdin-sort-du-sac, The Wishing Table (Tischlein, deck dich). À l’âge de 18 ans, il est à l’affiche d’un film pacifiste inspiré d’une histoire vraie, Le Pont (Das Brücke) de Bernard Wicki qui reçoit le Golden Globe Award décerné au meilleur film en langue étrangère.

Le jeune Fritz Wepper, à gauche, dans un conte de Grimm.

Fritz Wepper dans Das Brücke, incarnant un de ces jeunes Allemands embrigadés par le régime belliciste du III ème Reich et promis à un destin tragique forgé dans la guerre, comme celui qu'a dû expérimenter son collègue Horst Tappert dans sa jeunesse durant la période.  

Wepper devient une figure populaire auprès du public allemand à partir des années 1960 et apparaîtra dans les films Trois chambres à Manhattan de Marcel Carné, Cabaret de Bob Fosse et Le dernier combat de Luc Besson, film post-apocalyptique en noir et blanc dans lequel l’humanité est devenue aphone, qui obtint le prix spécial du jury et le prix du public du Festival d’Avoriaz en 1983. 

Discussion autour du film de 1971 au titre éloquent L'amour n'est qu'un mot (Liebe ist nur ein Wort) avec de gauche à droite le réalisateur Alfred Vohrer, l'actrice Judy Winter, qui incarnera l'épouse du meurtier de l'épisode La tentation (Hoffmann Höllenfart) d'Inspecteur Derrick, l'auteur du roman originel, Johannes Mario Simmel, et Fritz Wepper.



Fritz Wepper dans le rôle du Capitaine dans Le dernier combat, en haut au côté de l'acteur Maurice Lamy, au milieu arborant son sinistre collier de doigts coupés.

C’est cependant la télévision qui va lui apporter une notoriété internationale. Après avoir interprété l’Inspecteur Harry Klein de 1969 à 1974 dans Der Kommissar, la production précédente d’Helmut Ringelman déjà basée sur des scénarios d’Herbert Reinecker, son personnage est affecté comme adjoint dans la nouvelle série policière Inspecteur Derrick auprès du détective éponyme incarné par Horst Tappert, avec lequel il avait déjà en 1969 été à l’affiche dans L’homme à l’œil de verre (Der Mann mit dem Glasauge) d’Alfred Vohrer. Il est dans la série d’origine remplacé par son frère Erwin, qui est interprété par son véritable frère Elmar durant les deux dernières années du programme. Les deux frères auront l’occasion d’être réunis à l’écran entre 1994 et 2000 en incarnant deux justiciers dans la série appelée explicitement Zwei Brüder (pour les non-germanophones, "deux frères"). Depuis l’an 2000, Fritz Wepper incarne un maire dans la série Um Himmel Willens.

Fritz Wepper dans L'homme à l'œil de verre en 1969.

Fritz Wepper dans Der Kommissar, une série préfigurant Inspecteur Derrick, tournée en noir et blanc.

Les deux principaux interprètes d'Inspecteur Derrick affichant leur bonne entente sur le tournage du 250ème épisode, lesquels semblaient relativement s'estimer même s'ils ne se fréquentaient pas en dehors des plateaux. Après la révélation du passage d'Horst Tappert dans une division SS, Fritz Zepper prendra la défense de l'acteur défunt.


                                Fritz et Elmar Wepper à l'affiche de Zwei Brüder.

Le maire interprété par Fritz Wepper dans la série à succès Um Himmel Willens de la chaîne ARD est souvent sollicité par les bonnes soeurs du couvent local.

Sa fille Sophie Wepper est devenue également actrice. Elle avait incarné dans la série Derrick une petite fille dont le grand-père maffieux voulait à tout prix récupérer la garde dans l’épisode Renata. L’acteur qui l’a conçue avec son épouse, décédée en 2019, Angela von Morgen, ex-princesse de Hohenzollern, a eu une seconde fille née d’une brève liaison avec l’actrice allemande Susan Kellerman. Dans les quinze téléfilms de la série Mord in bester Gessellschaft ("Meurtre en bonne société") tournés entre 2007 et 2017, Sophie Wepper a joué la fille du personnage interprété par son père, le psychiatre Wendelin Winter.

Sophie Wepper rayonnante auprès de son célèbre père.

Le psychiatre Winter fait équipe avec sa propre fille dans Mord in bester Gesellschaft.

Pour une fois, Fritz Wepper endosse dans Mord in bester Gesellschaft un costume pour résoudre une affaire. 

Le Docteur Winter est obligé de prendre sérieusement les choses en main pour éviter une tragédie. 

Dans son rôle de psychiatre, Fritz Wepper se met un bref instant dans la position du gibier qu'il chasse impitoyablement durant son temps libre. 

La presse populaire révéla que l’interprète d’Harry Klein qui ne dédaignait pas la chirurgie esthétique recourait aussi à d’autres expédients artificiels puisqu’il aurait eu quelques ennuis judiciaires liés à sa consommation de drogue, même si son partenaire Horst Tappert assura qu’il était toujours irréprochable sur le plateau. Fritz Wepper était aussi bien connu pour sa véritable frénésie pour la chasse, l’amenant à voyager dans le monde entier pour tirer le gibier à plumes et à sabots, sangliers, cervidés et antilopes, et il était accueilli en connaisseur par ses pairs.

Si ce genre d’occupation ne fait pas l’unanimité, on peut en revanche lui reconnaître un courage personnel alors qu’après le décès de son épouse, il doit affronter à 80 ans de graves soucis de santé. Après avoir survécu à un cancer de la peau et à deux lourdes opérations du cœur, il dut subir récemment l’ablation d’une tumeur à l’estomac. Cela n’a pas interrompu ses tournages pour la télévision, manifestant que celui qui débuta sa carrière précocement est toujours animé par la passion du métier d’acteur et que sans doute, il s’efforcera de l’exercer tant qu’il lui sera possible.      

Reconstitution momentané du fameux duo de la série avec Fritz Wepper posant au côté de son partenaire de l'écran Horst Tappert, inhabituellement barbu, et sans sa perruque qui lui conférait son maintien toujours impeccable.

fan club italien de l'acteur : https://fritzwepper.it/


samedi 22 mai 2021

IL INCARNAIT LE JUSTICIER TRANQUILLE MAIS OBSTINE DE LA TELEVISION ALLEMANDE

 

         Horst Tappert a endossé le rôle de l’Inspecteur Stefan Derrick tout au long de la série, devenant la figure emblématique de la télévision allemande et, en dépit de son peu d’exubérance, un acteur admiré, notamment auprès d’un public féminin d’un certain âge, sensible à son maintien et à son élégance, même s’il n’était pas aussi sémillant et malicieux que Patrick McNee incarnant au travers de John Steed le prototype du gentleman britannique dans Chapeau melon et bottes de cuir (The Avengers). La série Derrick se déroule dans un monde totalement réaliste à l’instar de la plupart de celles mettant en scène des détectives et son personnage de policier se présente comme un homme relativement ordinaire, auquel son interprète se confondant avec son personnage confère une normalité sans aspérité, paraissant ainsi proche du public auquel elle est destinée, bien que peu de productions ayant une approche similaires ont rencontré un succès mondial comparable. Cette austérité allait jusqu’à être perçue comme glaciale par ceux qui sont rétifs à la série, et il est vrai que la rigueur toute germanique de Stefan Derrick, bien que non dépourvue d’humanité, relève à titre de comparaison d’une tonalité assez différente du caractère plus chaleureux que Tom Selleck a apporté au détective Thomas Magnum dans la série américaine éponyme, lequel suscitait spontanément la sympathie.

            L’acteur allemand est né le 26 mai 1923. Son père travaillait à la Poste. Au sortir de l’école élémentaire, il débute dans la vie active comme employé de commerce. Après avoir été réserviste auprès d’une batterie anti-aérienne, il est au cours de la Seconde Guerre mondiale incorporé dans une unité combattante sous l’uniforme de la SS dans des circonstances qui ne sont pas connues et ne permettent pas de savoir s’il s’agissait d’un engagement volontaire étant donné que le régime aux abois finit par enrôler de force les jeunes Allemands dans la SS, comme évoqué dans l’article précédent sur la controverse dont la série fit assez récemment l’objet. Dans ses mémoires, il avait prétendu être ambulancier mais les archives ont indiqué qu’il avait été affecté avec le grade de simple soldat sur le front de l’Est en 1943 dans une unité motorisée, et il est peu de temps après blessé au dos et au bras en Ukraine lors de la Troisième Bataille de Kharkov qui oppose les troupes allemandes et soviétiques dans un affrontement impitoyable. À l’issue de quelques jours de convalescence, il est renvoyé à l’arrière, en Pologne puis en Autriche.

            Après la guerre, Horst Tappert est employé quelque temps comme ouvrier spécialisé et il est aussi amené à tenir la comptabilité d’un théâtre ; son intérêt pour la scène se met à croître et en 1946, il suit des cours pour devenir comédien. À la fin des années 1940, il apparaît dans différentes pièces et dix ans plus tard il s’essaie au petit et au grand écran, où il est amené à interpréter alternativement des rôles de policiers et de truands, quelquefois des ecclésiastiques. 

Horst Tappert à la fin des années 1950

Horst Tappert barbu dans une interprétation théâtrale.


Horst Tappert en 1968 dans la pièce Ein lückenloses Alibi (en haut), un intérêt pour le théâtre qu'il réaffirme en 1986 dans Die leichten Herzens sind (en bas).

        Il incarne pour la première fois un détective en 1961 dans la série Zu viele Köche. Il joue un rôle de bandit en 1962 dans Er kann’s nicht lassen, au côté d’Heinz Rühmann (lequel partagera en 1966 la vedette avec Fernandel dans la comédie La bourse et la vie de Jean-Pierre Mocky) puis un personnage sinspirant de l'organisateur de la célèbre attaque du train postal Glasgow-Londres du 8 août 1963 réalisée sans effusion de sang dans la série télévisée en trois parties, Die Gentlemen bitten zur Kasse.


Horst Tappert dans le rôle du malfaiteur organisant le vol de l'argent acheminé par le train postal depuis Glasgow jusqu'à Londres, un personnage qui inspirera aussi celui du Cerveau réalisé en 1969 par Gérard Oury et incarné par David Niven au côté du duo formé par Bourvil et Jean-Paul Belmondo, dans lequel on retrouve des scènes similaires.

Horst Tappert dans un autre de ses rôles de gangsters dans Le Château des chiens hurlants (Der Hund von Blackwood Castle), film noir dans une ambiance d'épouvante parfois non dénuée d'humour d'Alfred Vohrer de 1968, une adaptation cinématographique d'un roman d'Edgar Wallace par le futur scénariste d'Inspecteur Derrick, Herbert Reinecker.


L'acteur interprète la même année un policier, l'Inspecteur Perkins, dans un autre film noir non dénué d'humour quelque peu grotesque dans Le Gorille de Soho (Der Gorilla von Soho) d'Alfred Vohrer, avec son criminel sévissant sous un déguisement. L'auteur Edgar Wallace a été associé à un autre gorille célèbre puisque peu avant de décéder des effets du diabète et d'une double pneumonie, l'écrivain avait achevé la version initiale du scénario du King Kong original.

Une bonne soeur décidée à ne pas rester sans défense, des années avant la religieuse particulièrement énergique se confrontant à la reine des démons Lilith dans le film d'épouvante La Nuit des démons 2 (Night of the Demons 2) de Brian Trenchard-Smith.


Une impression de Double meurtre dans la Rue Morgue, avec ce malfaiteur déguisé en gorille.

Le visage défiguré du malfaiteur principal.

Dans Le Gorille de Soho, Horst Tappert donne notamment la réplique à Ralf Schermuly qui figurera en bonne place dans cinq épisodes d'Inspecteur Derrick.


Incarner de nouveau le service de la loi dans Le Gorille de Soho ne met pas le personnage incarné par Horst Tappert à l'abri des situations périlleuses, à fortiori lorsqu'il est pris en tenaille par les armes de ses ennemis - l'inspecteur Derrick auquel l'acteur prête ses traits dans la série éponyme fera face à plusieurs tentatives d'assassinats.


Horst Tappert retrouve l'année suivante le rôle de l'Inspecteur Perkins dans L’homme à l’œil de verre (Der Mann mit dem Glasauge) réalisé en 1969 d'après un roman d'Edgar Wallace, qui comporte parmi la distribution Fritz Wepper qui deviendra son adjoint dans la série Inspecteur Derrick.



Dans Sieben Tage Frist, une enquête ayant pour cadre un internat dans lequel règne une camaraderie virile parfois à la limite de l'équivoque (certains laissent d'ailleurs entendre que le réalisateur Alfred Vohrer aurait pu être homosexuel), Horst Tappert interprète l'inspecteur en chef Klevenow, moins policé que le personnage éponyme qu'il incarnera dans Inspecteur Derrick, n'hésitant pas à cracher fort inélégamment ses bouts de cigare, l'acteur n'y apparaissant pas particulièrement à son avantage.

Horst Tappert pose à l'occasion de la promotion du film Sieben Tage Frist en 1969 avec le réalisateur Alfred Vohrer (à droite). Celui-là, enrolé dans la Wehrmacht et qui perdit son bras droit en 1941 sur le front russe, a réalisé plusieurs adaptations des romans d'Edgar Wallace avec Horst Tappert, Le Château des chiens hurlants, Le Gorille de Soho et L’homme à l’œil de verreainsi que pas moins de 28 épisodes d'Inspecteur Derrick dont un certain nombre d'entre eux particulièrement marquants tels que Pricker, Choc et Mort d'une fan. A l'extrème gauche sur la photo figure l'acteur Joachim Fuchsberger, qui fut la vedette de la mini-série Der Tod laüft hinterher en 1967, deuxième collaboration entre le producteur Helmut Ringelmann et le scénariste Herbert Reinecker, promise à se répéter à de multiples occasions, notamment au travers d'Inspecteur Derrick.

Photo de tournage d'une petite fable morale réalisée en 1967 par Jerzy MacHeißer Sand auf Sylt, dans laquelle Horst Tappert incarne un chef d'entreprise frappé par la crise de la quarantaine, qui rejoint une jeune femme émancipée sur l'île de Sylt en mer du Nord dans une petite communauté naturiste avant de revenir dans le droit chemin.

Petit intermède comique à l'occasion de Der Kapitän en 1971, dans lequel Horst Tappert retrouve Heinz Rühmann (à gauche), incarnant le Captaine Wilhelm Ebbs, soudain en charge d'un paquebot de luxe à l'opposé des cargos dont il était jusque-là responsable ; les scènes réalisées au Studio Bavaria de Munich ont été complétées par un tournage à Kiel et en Méditerranée pour les plans extérieurs.

Horst Tappert a tourné sous la direction du réalisateur espagnol Jesus Franco surtout connu pour ses films érotico-horrifiques, à l'occasion de trois productions hispano-germaniques à l'ambiance policière au début des années 1970, Crimes dans l'extase (Sie tötete in Ekstase) avec une psychopathe qui annonce celle de Basic Instinct, Le Diable vient d'Akasava (Der Teufel kam aus Akasava) avec sa pierre philosophale et Horst Tappert dans le rôle du Docteur Andrew Thorrsen (voir photo ci-dessus) et en 1972, Der Tödesrascher von Soho, dans lequel il interprète un agent du FBI corrompu, ancien trafiquant de drogue, qui accomplit sa vengeance en l'empoisonnant ses anciens complices auxquels il reprochent de l'avoir entraîné dans la toxicomanie.*. 

 Lorsque le producteur Helmut Ringelmann décide de produire la série Derrick pour la chaîne allemande ZDF en faisant de nouveau appel au scénariste de sa série précédente Der Kommissar, Herbert Reinecker, il recrute Horst Tappert qui y avait fait de fréquentes apparitions, et pour le seconder Fritz Wepper qui y incarnait déjà l’inspecteur Harry Klein. Tappert prête son autorité assez flegmatique et quelque peu guindée au détective de cette série qui se veut résolument psychologique, comme s’obstinent à ne pas le comprendre les esprits forts qui ironisent sur le rythme trop lent à leur goût des enquêtes. L’acteur lui-même exprima quelquefois sa lassitude en estimant que son personnage gagnerait à être plus dynamique et il déplora que la série comporte de plus en plus de dialogues à dimension philosophique. Cependant, celle-là séduisit rapidement un large public, fut traduite en douze langues et diffusée dans 108 pays, aussi Helmut Ringelmann soutint indéfectiblement son scénariste, bien conscient qu’il représentait la pièce maîtresse de cette alchimie miraculeuse qui a porté sa création bien au-delà des frontières de son pays, et l’interprète se fit une raison. 

La première apparition à l'écran d'Horst Tappert dans la série Inspecteur Derrick, découvrant le corps d'une lycéenne assassinée, dans Le Chemin à travers bois (Waldeg), exprimant sa consternation devant l'anéantissement d'une jeune vie.

Horst Tappert confère à son personnage de détective une assurance jamais prise en défaut avec laquelle il résoud ses enquêtes par sa tenacité et sa bonne compréhension de la nature humaine.

La série Derrick dura 25 ans, d’octobre 1974 à octobre 1998, et l’acteur assura lui-même la réalisation de onze épisodes. Comme Leonard Nimoy, interprète de Mr Spock dans la saga Star Trek - lequel a aussi réalisé plusieurs films de la saga, Horst Tappert éprouva des sentiments ambivalents, partagé entre la consécration que lui apportait le rôle et son assignation au personnage dans lequel tendait à l’enfermer cette notoriété. Ce n’est qu’assez récemment qu’il révéla que sa coiffure impeccablement peignée indissociable de l’apparence physique soignée du détective bavarois n’était qu’un complément capillaire, un accessoire dont on le gratifiait avant le tournage pour dissimuler sa calvitie. En dépit de l’assurance inébranlable du personnage qu’il interprétait, la personnalité d’Horst Tappert était plutôt effacée et malgré sa longue association professionnelle avec Fritz Wepper, les deux hommes ne se fréquentaient pas hors des tournages, même s’ils partageaient un intérêt commun pour la chasse, semble-t-il plus obsessionnel chez ce dernier. Horst Tappert dirigea lui-même onze des épisodes de la célèbre série, entre 1986 et 1997.

L'acteur supervisa en personne onze épisodes de la série qui lui assura une notoriété planétaire.

Fausse carte de l'Inspecteur Derrick présentée en 2018 au Musée de l'histoire de la République fédérale allemande à Bonn pour célébrer la part de la série Inspecteur Derrick dans l'audiovisuel germanique, confirmant la place que cette création revêt dans la culture populaire nationale.

Version française de l'autobiographie d'Horst Tapper, évoquant notamment ses années de théâtre et la part un peu envahissante qu'a pris son rôle de l'Inspecteur Derrick.

            À l’âge de 75 ans, Horst Tappert arrête la série Derrick comme il l’avait annoncé, jugeant que son âge lui commande de réduire ses activités, et il limite ses apparitions à l’écran. Il décède dix ans plus tard, le 13 décembre 2008, presque deux années après le scénariste qui l’avait rendu célèbre, lequel s’est éteint le 27 janvier 2007. 

Horst Tappert dans sa propriété en Norvège.

Bien après avoir été un vicaire en 1962 dans Das Halstuch, Horst Tappert interprète un cardinal en 2000 dans Der Kardinal - der Preis der Liebe, un téléfilm dans lequel le Vatican est fragilisé par la mise à jour de la vie privée d'écclésiastiques.

Avoir incarné un cardinal n'a pas empêché les contempteurs d'Horst Tappert de s'acharner sur sa réputation après sa disparition de sorte qu'il ne soit plus en odeur de sainteté et définitivement relégué au purgatoire télévisuel, pion sur l'échiquier de l'histoire rattrapé par les épurateurs de la dernière heure, tandis que les grands groupes économiques qui avaient accompagné l'effort de guerre inhumain du III ème Reich n'avaient à l'inverse jamais été véritablement stigmatisés. L'acteur populaire a emporté avec lui les secrets qu'il aurait pu éventuellement avoir sur la conscience mais qui demeurent en l'état de l'ordre de la spéculation. 

        Horst Tappert avait été marié trois fois, la dernière en 1957, mariage qui a perduré jusqu’à sa disparition à l'âge de 85 ans, victime des effets du diabète. Sa tombe très modeste dans la banlieue Ouest de Munich ne comporte que la simple mention de son nom et la gravure de deux petits masques stylisés faisant allusion à sa profession. L'acteur s’était vu décerner la médaille d’honneur de la police de l’état de Bavière pour son illustration télévisuelle de la défense de la loi au travers de son personnage d’inspecteur de Munich et était une figure estimée lorsqu’il a disparu. 

Horst Tappert honoré par la police bavaroise à l'occasion de son 75ème anniversaire pour son incarnation du policier Derrick, un personnage duquel il se sentait quelque peu prisonnier, mais qui lui a aussi apporté la consécration professionnelle et la notoriété. Les autorités bavaroises avaient envisagé de retirer à titre posthume sa médaille d'honneur de la police suite à la polémique portant sur son passé durant la guerre.

    Il ne se doutait vraisemblablement pas que des années plus tard, et alors qu’il n'avait pas été un zélateur du nazisme comme le fut Herbert Reinecker, sa mémoire serait entachée d’opprobre en 2013 par l’exhumation de sa carrière militaire dans le quotidien Frankfurter Allgemeine Zeitung. Cette justice d’outre-tombe s’attache bien tardivement à mettre en cause un exécutant qui fut peut-être plus le jeu des évènements que véritablement un acteur de cette période effroyable. Cette controverse remue un passé ancien et révolu, formule des questions qui ne trouveront vraisemblablement jamais de réponses, avec cette dénonciation se voulant exemplaire. Subsiste une série tout à fait digne d’intérêt dont Horst Tappert fut avec plus ou moins de réticence la personnification au-delà même de sa participation au programme et à laquelle il demeure à jamais associé.

Horst Tappert au temps de sa gloire reçu avec les honneurs par le Pape Jean-Paul II.



lien du fan club italien d'Horst Tappert : https://horsttappert.com/ (actuellement désactivé depuis la publication)